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Entretien avec Devig

« Il s'agit avant tout d'un hommage... »

Le hasard fait parfois bien les choses. Alors qu'il signe, avec Philippe Geluck, Échec au Roi des Belges, une quatrième Aventure de Scott Leblanc, nous rencontrons Devig (Christophe de Viguerie) à la fête de la BD de Bruxelles, qui se tient dans le parc, en face du Palais Royal.

Un petit « plus » souriant pour le dessinateur toulousain qui y participe pour la première fois en y présentant ce récent album résolument ancré en Belgique. Interview en mode... franco-belge.

Comment est né Scott Leblanc ?

J'avais envoyé plusieurs de mes dessins d'humour à Philippe Geluck pour avoir son avis, il m'a recontacté et notre collaboration s'est progressivement établie de cette manière. Pour Scott Leblanc, nous avions une envie commune de rendre hommage à la BD de l'âge d'or mais tout en en détournant les codes.

Ce qui exige le respect d'un certain équilibre...

Cela va de soi. Globalement, je dirais que chaque histoire se construit sur un fond réaliste, plausible et qui correspond à l'époque. L'univers doit tenir la route, autrement il ne rencontrera pas l'attention du lecteur, et dans ce contexte que nous voulons solide, on développe un humour qui va à contre-courant des schémas classiques de ce type de BD. Nous inversons certaines situations, les personnages sont, eux aussi, atypiques... Ainsi, Scott Leblanc est tout le contraire d'un célèbre reporter. Il est pleutre, pleurnichard, mais gentil, ça oui. D'ailleurs pour moi, le vrai héros des Aventures de Scott Leblanc est le professeur Moleskine, qui peut d'ailleurs davantage évoquer pour certains l'univers de Jacobs que celui d'Hergé..

La ligne claire que vous pratiquez est-elle spontanée, ou abordez-vous cela comme un exercice de style ?

C'est vraiment ma forme de dessin. J'ai grandi en lisant des albums traités dans ce style et ça m'a forcément influencé, inconsciemment et consciemment. Mes dessins d'humour noir en sont également proches. J'ai coutume de dire, pour ceux-ci, que je réalise un dessin très « gentil » pour délivrer un message généralement nettement plus grinçant. Mais, avec le temps, je ne me pose plus de question quant au style. Je me contente de produire des dessins que j'aime, en me rapprochant peut-être un peu plus de Jacobs, mais n'y voyez aucune prétention de ma part quand je vous dis cela.

Cette ligne claire, justement, a ses amateurs, protecteurs, gardiens d'une certaine orthodoxie... En avez-vous rencontré ?

Oui, j'ai eu quelques critiques, mais dans la grande majorité des cas, cela se passe très bien. Je pense que les lecteurs comprennent et apprécient notre démarche. Mais n'oublions pas qu'il s'agit, avant tout, d'un hommage et que s'il y a beaucoup d'humour dans Les Aventures de Scott Leblanc, on s'efforce de l'introduire avec finesse. Les Aventures de Scott Leblanc s'articulent sur une certaine nostalgie. Je m'efforce de recréer des atmosphères, des choses qui ont marqué l'époque. Si nous allions vers le guignol, ce que nous voulons éviter, ça ne fonctionnerait ni au sein de l'histoire, ni auprès du public.

Comment travaillez-vous avec Philippe Geluck ?

On échange beaucoup, au départ. On évoque généralement nos idées respectives par téléphone. Pour cet album, on avait d'abord pensé à l'OTAN, et puis mettre en scène le Roi nous plaisait. De plus, la présence de la royauté est bien visible à Bruxelles. Nous avions donc notre fil conducteur. Ensuite, nous réalisons un storyboard rapide, que l'on peut modifier, et Philippe amène alors les dialogues. La suite du processus est commune à toutes les bandes dessinées. Philippe est parfois perçu comme une star médiatique, mais le Geluck que je connais est une personne attentive, disponible malgré un emploi du temps très chargé et qui, justement, prend le temps nécessaire pour avancer dans telle ou telle étape de l'élaboration de l'album. Certaines personnes moins prestigieuses que lui s'avèrent beaucoup moins attentives et disponibles !

Avec Échec au Roi des Belges, vous abordez, justement, un univers très... belge !

Philippe avait envie d'une histoire ancrée en Begique, et s'adressant particulièrement aux Belges ! Et je n'ai eu aucun problème à me glisser dans ce contexte. Je suis venu plusieurs fois à Bruxelles, j'ai collecté pas mal de documentation sur ce à quoi ressemblait la ville dans les années 60' pour essayer d'être le plus crédible possible, notamment d'anciennes cartes postales. Par contre, c'est la première fois que je participe à la fête de la BD à Bruxelles, et ça m'amuse beaucoup de dédicacer l'album quasi en face du palais royal. Je rejoins le décor de notre histoire ! Mais je ne sais pas si l'éditeur a fait parvenir un exemplaire du livre au palais...

Vous mettez en scène le roi Baudouin. Vous êtes-vous intéressé au souverain avant d'en faire un personnage de BD ?

Philippe Geluck m'en a parlé, et m'a notamment dit que nous le dépeignions dans l'album comme étant sans doute plus héroïque que dans la réalité. Personnellement, je trouve qu'il avait, dans sa jeunesse, une dimension romanesque. Mais je ne pourrais pas analyser davantage son règne...

Travailler sur une telle « histoire belge » a-t-il modifié votre regard sur la Belgique ?

Non. J'apprécie les Belges et la Belgique. Ce sont des gens accueillants, aimables. Quant à votre pays, il m'a toujours fait penser à une sorte de compromis entre la France et l'Angleterre : le climat, le Roi... Mais je m'y sens bien et j'y suis toujours bien accueilli.

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Pierre Burssens
19/09/2016