L'obsolescence programmée de nos sentiments
Scénario : Zidrou
Dessins : Aimée de Jongh
Couleurs : Aimée de Jongh, Michael Doig, Mãrcia Patricio
Dargaud
Rencontre
Il s'appelle Ulysse. Il est veuf depuis plusieurs années et lorsqu'il perd son travail de déménageur, à 59 ans, une grande solitude s'empare de lui. Impossible même de s'entourer de ses enfants : sa fille est morte dans un accident à l'âge de 16 ans et son fils est très pris par son travail. Elle, c'est Mme Solenza. Méditerranée de son prénom, 62 ans au compteur. Ancien modèle, elle ne s'est jamais mariée et tient la fromagerie de sa mère qui vient de décéder. Si leurs jours s'écoulent tristement et leurs occupations ne suffisent pas à masquer l'isolement qui est le leur, c'était sans compter un miracle émotionnel. Car entre cette femme et cet homme va se tisser une histoire d'amour d'autant plus belle qu'elle est tardive.
On ne peut qu'être frappé par la diversité des thèmes et des genres de récits abordés par le prolifique Zidrou. Avec L'obsolescence programmée de nos sentiments, il aborde une histoire intimiste, toute en nuances, et qui ne peut laisser indifférent. Par petites touches, Benoît Drousie nous fait, en effet, partager le quotidien de deux personnes vieillissantes. Un quotidien fort gris, mais qui, peu à peu s'éclaircit alors qu'Ulysse et Méditerranée se rapprochent, au gré des hasards de la vie. Traitant d'un tel sujet, l'album aurait pu être empreint de désespoir, ou, à l'inverse, caricatural. Mais l'intelligence et la délicatesse du scénario, et la qualité d'écriture lui permettent d'aisément éviter ces écueils.
Le récit est certes réaliste, mais quelques références aux contes de fées finissent par y introduirent une part de merveilleux. Les deux personnages principaux se révèlent vite être terriblement attachants, et c'est avec sourire et tendresse que l'on assiste à leur(s) rencontre(s) et à la (re)naissance d'un amour et du désir.
Aimée de Jongh transpose cette histoire en images de bien belle manière. Son dessin réaliste s'attache au physique de ces protagonistes plus tout jeunes, loin des canons classiques du héros de BD. Et la délicatesse de son trait rend un écho parfait de celle du récit. Les rides sont bien présentes, les chairs ne sont plus très fermes, mais ça n'empêche aucunement Ulysse et Méditerranée d'être BEAUX (et pas uniquement parce que Méditerranée a fait une couverture de Lui en 1974) et particulièrement touchants.
De nombreux albums de BD sont construits sur une bonne histoire. L'obsolescence programmée de nos sentiments en fait assurément partie, mais il la conjugue,en plus, avec une belle histoire. Un bouquin qui fait du bien !