Le reste du monde

Tome 3 : Les frontières

Scénario, dessins et couleurs : Jean-Christophe Chauzy

Casterman

La Colonie

Marie s'est sacrifiée pour ses enfants, Hugo et Jules. Ceux-ci ont trouvé refuge dans la Colonie. Mais la situation devient de plus en plus périlleuse dans les Pyrénées. Les frontières sont fermées pour des raisons sanitaires et politiques par l'armée algérienne qui a pris le contrôle de l'Espagne. Des bandes de pillards écument la région et des fous de dieux y commettent eux aussi des atrocités. Une épidémie menace. Dans ce chaos, Hugo et Jules sont toujours sans nouvelles de leur père.

Jean-christophe Chauzy développe sa vision de notre monde au lendemain d'une grande catastrophe, ou plutôt d'un véritable enchaînement de grandes catastrophes pour en faire une véritable série. Si la couverture et la première séquence de ce troisième album peuvent laisser à penser qu'il traitera de la situation des océans, c'est cependant bien dans les Pyrénées que l'on se retrouve transporté pour suivre l'itinéraire d'Hugo et Jules, personnages centraux de cet opus au milieu d'une apocalypse tragiquement concrète.

Entre le road-movie et le récit de survie, on assiste ainsi aux efforts à la limite des capacités humaines des gamins pour s'en tirer. En ce sens, les Frontières conserve un aspect de BD d'aventure. Mais le contexte dans lequel celle-ci se déroule le fait pratiquement passer à l'arrière-plan. En effet, l'auteur poursuit le portrait d'une société qui s'est totalement décomposée face à des événements qui la dépassent, et d'un retour à la barbarie dicté par le fanatisme et les instincs primaires. Contrairement à nombre de romans, films ou BDs relevant du fantastique ou de la SF, le tableau dressé par Chauzy est terriblement réaliste, ce qui renforce la peur qu'il génère. Mais on peut également y lire un effrayant avertissement, alors que les alertes concernant, entre autres, la dégradation de l'environnement se multiplient et s'amplifient presque de mois en mois. 

Le scénario est bien construit. Des personnages jusque-là pour le moins discrets y prennent de l'importance et relancent l'aventure, et le cliffhanger final appelle à la lecture du tome 4 déjà annoncé. Mais en attendant, rien ou presque ne nous est épargné. La violence et le désespoir sont omniprésents et la destruction évoquée choque ou questionne, mais donne en tous cas inévitablement à réfléchir. Graphiquement, le dessinateur réalise à nouveau des prouesses en couleur directes. Chaque planche ou double-planche est étudiée comme un tout en fonction d'un découpage audacieux et très efficace. Certaines séquences surchargées, oppressantes par ce qu'elles représentent, sont heureusement suivies par quelques pages davantage dépuillées, dans lesquelles le rôle de la couleur dans la dramaturgie se voit renforcé.

Pour ceux qui ont apprécié les albums précédents, avec un coeur bien accroché, il sera difficile de résister à l'appel des Frontières. 0n le comprend à la lecture de l'album qui donne, à son tour, envie de découvrir le prochain, avec, on l'espère une petite lueur d'espoir à la clé. Glaçant...car réaliste !