
Nos vies prisonnières
Scénario : Parno
Dessins et couleurs : Phil Castaza
Grand Angle
La longue lettre de Jean-Louis
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C’est l’histoire de gens ordinaires, piégés dans des vies subies… les rêves détruits, les projets auxquels on renonce.
C’est l’histoire d’un père qui craque et abandonne femme et enfant. C’est l’histoire d’un médecin désabusé qui se retrouve à la croisée de tous ces destins. C’est aussi l’histoire d’une réparation qui rayonne sur tous les protagonistes et les libèrent de leurs vies prisonnières.
Philippe Castaza et Parno signent un album vraiment particulier. Au départ, on est en effet quelque peu désorienté. Chaque chapitre (ce roman graphique de 142 pages en compte 10) semble présenter des personnages différents, faisant face à des situations professionnelles ou personnelles difficiles, ou à des dilemnes. Point commun entre plusieurs d'entre eux, un grand siège bancaire et ses contrats de performance. Et c'est très progressivement, par petites touches, que l'intrigue générale de Nos vies prisonnières se précise.
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Parno prend son temps pour mieux nous faire entrer dans l'histoire et nous faire découvrir, in fine, ses bienfaits collatéraux. Après la dureté -hélas très réaliste- des premières pages et, disons-le, le manque d'humanité et de respect pour l'individu qui s'en dégagent au nom de la performance et du rendement, ce sont peu à peu des prises de conscience qui s'installent chez nombre de protagonistes. Avec celles-ci viennent la dimension et la chaleur humaines, les sentiments et, chez le lecteur, le sourire devant une construction scénaristique intelligente, délicate et aussi originale qu'audacieuse. Le récit s'accélère, à travers un regard et un écrit venus d'un passé récent...et c'est pour le bien de tous. Difficile d'en dire plus sans spoiler le contenu d'un album qui sort assurément de l'ordinaire.
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Castaza donne corps et expressivité à ses acteurs d'un trait précis et soigné, restituant leur psychologie finement élaborée par le scénariste. Pour des séquences évoquant des souvenirs, ou avec une dimension davantage allégorique, le dessinateur choisit le pastel, au fini plus flou, et adopte un style moins réaliste pour des cases généralement monochromes. Un contraste qui ne heurte pas, au contraire, et s'installe légitimement dans le traitement graphique de Nos vies prisonnières.
L'album demande à se laisser apprivoiser, mais même si son premier abord semble abrupt, il donne envie d'en savoir plus. Le gris sombre de ses premiers chapitres s'éclaircit peu à peu. A l'arrivée, on est touché, ému, on commence (peut-être) à réfléchir et on ressent une forte envie de...le relire. On parle beaucoup de BD feel good pour l'instant, mais le feel good doit se gagner. Nos vies prisonnières nous en offre une remarquable démonstration.