
Popeye
Un homme à la mer
Scénario : Antoine Ozanam
Dessins et couleurs : Lelis
Michel Lafon
La vie d'avant
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Tout le monde connaît Popeye, ce borgne fort en gueule qui exhibe ses biceps après avoir englouti des épinards en boîte. Il est drôle, Popeye. Sa façon de parler, de manger les mots... et ses expressions toutes faites. Et pis, c'est un type courageux, un mec bien. Un vrai héros. Un jour, une drôle de môme au langage fleuri vient lui taper dans son œil valide. Il est trop vieux pour elle. Mais Olive, c'est sa môme, c'est sûr. Même qu'il accepte de partir à l'aventure avec le frère d'Olive...à la recherche d'un fabuleux trésor.
Tout le monde connaît Popeye, ou plutôt croit le connaîre ! Mais qui est vraiment ce marin bagarreur, mangeur d'épinards, amoureux de la filiforme Olive Oyl ? Voilà la question à laquelle répondent Ozanam et Lelis dans cet étonnant Un homme à la mer. En effet, s'il apparaît en 1930 dans le Timble Theatre, comic strip créé par Elzie Crisler Segar, Pop-eye, de son vrai prénom Maturin, modeste marin pêcheur, a eu une vie avant son personnage de papier, celle que les auteurs s'attachent à nous faire découvrir, un peu à la manière de ce qu'on fait Laurent Verron et Yves Sente pour Spirou dans leur très beau Il s'appelait Ptirou (Dupuis).
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La démarche est intéressante, et les auteurs reviennent avec beaucoup de respect aux origines du mythe, transposant dans un univers bien réel -et davantage réaliste que celui dans lequel évolue traditionnellement le personnage- Mathurin dit Pop-eye et de nombreux protagonistes de la série. Ainsi, c'est dans une forme proche de la chronique sociale que débute Un homme à la mer. Au sortir de la crise des années 20' les marins-pêcheurs sont en difficulté face à l'industrialisation de la pêche. Leurs petits bateaux ne font plus le poids devant de gros navires dont les filets raclent le fond de l'océan. Le poisson est en pénurie, et pour beaucoup manger quotidiennenement est devenu une préoccupation essentielle. Pour aider son ami Bosco, Mathurin se plie à chercher un autre boulot. Mais Pop-eye est un homme de la mer, un homme à la mer... L'irruption dans son existence de la jolie Olive va y bouleverser pas mal de choses, et le conduire notamment à la recherche hasardeuse d'un trésor menée par Castor, le frère d'Olive.
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Plutôt que de signer une aventure construite sur cette pêche au trésor, Antoine Ozanam articule son récit sur le côté humain de ces personnages dont il fouille la psychologie. Le scénario prend son temps pour nous faire découvrir un marin plus sensible et touchant que ne le laissent penser ses allures de gros dur. On en apprend donc beaucoup sur Popeye et son petit monde, ce qui le rend d'autant plus attachant. Olive se voit également dotée d'un solide caractère et révèle vraiment un certain charme. Et lors de la dernière séquence qui met en scène la rencontre entre le marin et celui qui lui donnera vie sur papier, Ozanam va jusqu'à mettre dans la bouche de Popeye ce qui sera sa première réplique en BD, bouclant élégamment la boucle de cet album hommage.
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La parttion graphique de Lelis renforce l'originalité de cet album. En effet, le dessinateur brésilien adopte un style davantage réaliste que celui que nous connaissons pour Popeye, mais qui permet cependant de reconnaître tous les personnages principaux. Un peu comme si E.C. Segar avait simplement stylisé, caricaturé ces personnes...réelles. Le dessinateur brésilien conserve son trait de crayon ondulant qu'il enrichit d'aquarelles aux couleurs un peu passées. Le rendu global est séduisant et baigne l'album d'une ambiance particulière un rien nostalgique.
Cette étonnante balade en mer permet en tous cas aux plus curieux de (re)découvrir Popeye.