Les anges d'Auschwitz
Scénario : Stephen Desberg
Dessins : Emilio Van Der Zuiden
Couleurs : Fabien Alquier
Paquet
Au bord du gouffre
La vie s’écoulait paisiblement à Varsovie en cet hiver 1929. Une famille heureuse, loin de se douter que cette paix ne durera pas longtemps. 1939, l’invasion allemande. Les juifs sont conduits dans le ghetto, première étape avant les camps… Auschwitz, l’horreur. Alors si un ange se présente à vous, il ne faut pas le laisser s’envoler. Elle s’appelait Hannah, et ce fut mon ange. Mais que peut un ange face à la barbarie, à l’indicible, au pire...
Comme l'explique Stephen Desberg en préambule à cet album, l'histoire des Anges d'Auschwitz lui a été inspirée par ses émotions, son ressenti lors d'une visite du sinistre camp d'extermination. Et l'émotion, le scénariste y plonge le lecteur dès les premières pages de ce récit à la résonance universelle. Progressivement, il va se focaliser sur l'affrontement entre David, un prisonnier, et Karsten, un des officiers nazis responsables du camp. Malgré l'immonde régime de (sur)vie auquel est soumis le premier, malgré les séances de torture, David ne rompt pas. Lui qui, petit garçon, croyait aux anges, parvient à en trouver des traces entre les murs du camp de la mort. Mais qui sont ces anges ? Karsten imagine des résistants, des infiltrés... Mais qui voudrait s'infiltrer à Auschwitz ?
Mais pour Karsten, outil du régime, ce rôle de bourreau qu'il cache à sa famille devient de plus en plus lourd. Le fier officier SS n'aspire qu'à une chose, retrouver au plus tôt son fils Hansel. Et si ces anges pouvaient l'y aider ? Chacun des protagonistes principaux se trouve, à sa manière, au bord du gouffre... Histoire profondément humaine, histoire de foi ou de croyance, cet album ne peut, en tous cas laisser indifférent. Stephen Desberg amène le lecteur au plus près des personnages. L'immersion ne peut être que violente, vu le contexte, mais dans cette noirceur, cette inhumanité, la lumière en laquelle se réfugie David n'est que plus brillante.
Emilio Van Der Zuiden privilégie une approche graphique sobre, pleine de retenue et bien adaptée au sujet. En effet, même si la violence est omniprésente dans Les anges d'Auschwitz, le dessinateur parvient à évoquer les atrocités commises (scènes de torture etc) sans en faire trop, sans voyeurisme. La palette de couleurs de Fabien Alquier s'accorde à cette sobriété, amplifiant le contraste entre les belles lumières des quelques planches se déroulant dans la paix avant de plonger dans la grisaille de ce lieu que Stephen Desberg qualifie, aujourd'hui, de silence qui hurle. Mention spéciale, aussi, à la couverture.
Plusieurs albums ont déjà apporté contribué à l'indispensable devoir de mémoire envers les victimes de la solution finale, on pense notamment au Rapport W de Gaétan Nocq (Daniel Maghen), mais Les Anges d'Auschwitz, par la proximité qu'il crée entre le lecteur et les personnages, s'avère particulièrement secouant...et utile !