Auracan » chroniques » Bruxelles 43
Bruxelles 43, par Patrick Weber, Baudouin Deville (Anspach)

Bruxelles 43

Scénario : Patrick Weber
Dessins : Baudouin Deville
Couleurs : Bérengère Marquebreucq

Anspach

"Ils l'appelaient Brüssel !"

Bruxelles, 1960. Revenue de Léopoldville, Kathleen aide sa mère à ranger son grenier. Elle y découvre une enveloppe contenant des planches de bande dessinée, destinées à la presse clandestine, se moquant d'Hitler et qui dénonçaient l’occupation allemande durant la seconde guerre mondiale. Kathleen replonge alors dans son passé. En 1943, elle a 12 ans. La jeune fille ne comprend pas grand-chose à la guerre. Son père, Fernand, tient un kiosque à journaux, place de Brouckère. Il est passionné de bande dessinée. Un dimanche de juin, Bob, un dessinateur, ami de Fernand, lui montre ses strips de BD. Des histoires corrosives à l’encontre d’Hitler, qu’il tente de faire publier dans un journal de la Résistance. Bob se sait surveillé, notamment par Alfred, un collaborateur rexiste...

Après Sourire 58 et Léopoldville 60, la remontée dans le temps effectuée par Kathleen, l'héroïne créée par Patrick Weber et Baudouin Deville a de quoi surprendre. Cette fois Kathleen est davantage le témoin de l'histoire de sa famille plutôt qu'actrice à part entière de l'intrigue imaginée par Patrick Weber. Celle-ci transporte le lecteur dans la capitale de Belgique sous l'occupation. Entre les contrôles et les rafles organisés par l'ennemi, les rexistes et les opposants à l'ordre nouveau, la presse collaborationniste et l'aventure du faux Soir, ce sont aussi les difficultés du quotidien que dépeint le scénario, dans un contexte où tout le monde, quel que soit le camp choisi, peut vite devenir suspect aux yeux de l'autre.

Patrick Weber a eu la bonne idée d'aborder son histoire à travers celle d'un dessinateur de BD. On y croise ainsi Edgar P. Jacobs et Hergé. Mais les planches satiriques retrouvées par Kathleen rappellent aussi, indirectement et de manière toute actuelle le rôle et le sort de certains dessinateurs de presse de par le monde, l'attentat de Charlie Hebdo ou la récente attaque des salariés de Premières lignes...  Prenant et très documenté, le récit parvient, en 54 pages, à livrer un bon aperçu de ce que pouvait être la vie des civils à Bruxelles en 1943. Mieux, il le fait sans aucune lourdeur. Des informations plus complètes sont proposées dans le dossier documentaire en fin d'album. De plus les parents de Kathleen sont des gens ordinaires, ce qui les rapproche de nous. Mais la période était propice à l'émergence de héros...ou de salauds !

Le trait de Baudouin Deville, inspiré par la ligne claire, se prête parfaitement au récit et à l'époque à laquelle il se déroule. L'éditeur nous confiait d'ailleurs, en interview, que le dessinateur avait demandé à aborder ces années sombres. Il le fait avec brio, tant dans la lisibilité de son dessin que dans la reconstitution des décors bruxellois, en glissant habilement, quand c'est nécessaire, le détail qui fait vrai et renforce l'immersion du lecteur dans le contexte. Les couleurs harmonieuses de Bérengère Marquebreucq concourent délicatement -de manière littérale- au ton du récit.

Séduits par Sourire 58 et Léopoldville 60, on pouvait attendre beaucoup de ce troisième opus... Une attente largement comblée puisque Bruxelles 43 leur est encore supérieur ! 

Partager sur FacebookPartager
Pierre Burssens
07/10/2020