Le don de Rachel
Scénario : Anne-Caroline Pandolfo
Dessins et couleurs : Terkel Risbjerg
Casterman
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Paris, 1848. Rachel a un don. Elle peut lire à travers le temps, les lieux, les gens et leurs histoires. Elle rêve de provoquer chez ses semblables une ouverture vers de nouveaux horizons. Sorcière pour les uns, phénomène de foire pour les autres, elle s’épuise et peine à trouver sa place. Un jour, elle disparaît sans laisser de traces… Bien des années plus tard, Liv, chorégraphe et Virginia, photographe, croisent le chemin de Rachel au cœur de leur démarche artistique.
Si Le don de Rachel traite de la transmission d'une forme de présence et peut-être d'un don à travers les années, ce nouvel album renoue aussi, d'une certaine manière, avec une partie de la thématique de Enferme-moi si tu peux, précédent ouvrage d'Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg : le don, inexpliqué et inexplicable, sa perception par les autres et, quelque part, son exploitation. Rachel est une voyante, qui peut prédire l'avenir, mais alors qu'elle est consciente de posséder quelque chose d'exceptionnel et veut le partager, elle devient finalement un phénomène de spectacles où son talent est mis à profit de manière quasi anecdotique. En même temps, son don déconcerte, surprend et fait peur, quand ce qu'elle révèle ne correspond pas aux souhaits de ceux qui s'adressent à elles.
Anne-Caroline Pandolfo décline avec beaucoup de délicatesse toute la complexité de l'acceptation de ce don et la manière dont il conditionne les relations aux autres pour Rachel. Son héroïne reste profondément humaine et fragile, blessée par un vécu marqué du sceau de l'incompréhension. Pourtant, à travers l'adaptation de son histoire en un ballet, ensuite par la rencontre d'une photographe avec la chorégraphe et la possession d'un daguerréotype de Rachel, on découvre que la soudaine disparition du personnage n'était peut-être pas irrémédiable.
Terkel Risbjerg porte en images ce récit aux frontières de la (para)psychologie avec beaucoup de sensibilité et les grands yeux de Rachel, symbolisant son don de voyance, ont quelque chose d'hypnotique même sur papier. Le dessinateur nous offre aussi quelques fort belles séquences oniriques, rappelant parfois l'oeuvre de Chagall dans leur poésie, et de belles scènes de ballet. Ses couleurs soulignent les différences d'ambiance et d'époque entre les trois parties de cette histoire étrange mais belle et émouvante. A savourer !