Kilomètre zéro
Tome 2/3 : Les Koechlin, une saga familiale
Scénario : Stéphane Piatzszek
Dessins et couleurs : Florent Bossard
Grand Angle
Le train du patron
Alors que la ligne Mulhouse-Tann est encore en construction, Nicolas Koechlin avance déjà sur son projet fou de grande ligne de train internationale : Strasbourg-Bâle. Mais, même s'il est l'homme le plus riche d'Alsace, les problèmes se multiplient pour lui. Sa fille, Salomé, dénonce les agissements d'un contremaître au sein de ses filatures. Ses ouvriers vivent dans la misère. La concurrence est âpre et surtout le projet est, pour l'époque, aussi complexe que coûteux. Mais Nicolas fait face avec son courage, sa générosité mais aussi sa rouerie et sa folie.
Le premier volet de Kilomètre zéro avait le mérite d'offrir un souffle quasi épique à l'aventure ferroviaire de Nicolas Koechlin. Cette fois, le récit ralentit quelque peu, soumis aux événements qui viennent perturber ces voies qui semblaient toutes tracées. Difficultés financières, autorité contestée, celui que l'on qualifie de maître de l'Alsace et qui voit en son projet fou une épopée presque...napoléonienne est obligé de revoir sa stratégie. Stéphane Piatzszek expose ainsi toute la démesure de ce projet dans ces années 1830. D'autres tensions apparaissent au sein même de la famile Koechlin, et le scénario nous invite particulièrement à suivre le cheminement de Salomé, choquée par les inégalités générées par la société industrielle et essayant de se faire une place en tant que femme.
Au-delà de l'histoire des Koechlin, c'est un tableau de cette période-charnière de l'Histoire que nous permet de découvrir Kilomètre Zéro. L'Alsace est en mutation, comme la France, l'Europe, le monde... Et le rôle des industriels et des financiers est au premier plan de ce changement. Le scénariste greffe habilement différents arcs narratifs sur son intrigue principale, et on en vient ainsi à s'attacher au destin de personnages pourtant secondaires qui ajoutent à la dimension humaine et à l'attrait de la série, allégeant quelque peu la description des enjeux de l'entreprise Koechlin.
Florent Bossard renforce cette dimension en donnant, de son trait rude, la priorité aux personnages dans toute leur force, leurs contradictions et leur violence parfois. Le choix des couleurs opéré par l'auteur ajoute à l'originalité et l'intérêt de son approche graphique. La saga des Koechlin n'a décidément rien d'un train-train quotidien et poursuit son voyage de manière fort intéressante. Tout annonce un beau triptyque pour son arrivée en gare dans le prochain épisode.