Jonathan

Tome 17 : La piste de Yéshé

Scénario, dessins et couleurs : Cosey

Le Lombard

Jonathan se souvient...

C'est une lettre, reçue poste restante à Delhi la veille de son retour en Europe, qui entraîne Jonathan sur la piste de Yéshé. Là, installé dans un monastère perdu au coeur de l'Himalaya, alors que les libérateurs  venus de Beijing cherchent à anéantir l'identité tibétaine, Jonathan, accompagné du malicieux moine Chamba, retrouve après de longues années celle qui donnera une réponse à ses questions.

46 ans après sa première apparition dans les pages du journal Tintin, Jonathan clôture son périple en Himalaya et reprend le chemin de la Suisse. Cosey, dont le héros est à bien des égards le reflet, a en effet choisi de mettre fin aux aventures de Jonathan avec ce 17e album. Un album méditatif, à l'image de la série, au cours duquel Jonathan attend Drolma pour un rendez-vous. Une attente qui va se prolonger, l'occasion d'évoquer d'autres personnages et voies empruntées par la série, comme regardés dans le rétroviseur d'une moto Royal Enfield sur une piste montagneuse.

Cosey invite une dernière fois le lecteur à un voyage -avant tout intérieur- qui semble hors du temps, même s'il n'est pas dénué d'allusions à un Tibet devenu chinois. Un périple nourri des voyages, lectures et réflexions d'un auteur plein de sensibilité.  Vient enfin le moment de boucler la boucle. Cosey y arrive avec élégance et délicatesse, jouant sur la frontière parfois ténue existant entre le personnage et son auteur, Jonathan et lui-même. Graphiquement, c'est toujours un bonheur de retrouver la patte particulière du dessinateur, le trait précis, le jeu des ombres, l'ensemble porté par une palette de couleurs dominée par les bleus du ciel et les ocres et jaunes qui suffisent à introduire de subtiles variations de la lumière comme autant d'échos des questionnements et sentiments des protagonistes. 

Parallèlement à la sortie de La piste de Yéshé, les éditions Daniel Maghen consacrent à Cosey un très bel art-book dans leur collection Carnets. Ceux de Cosey, nombreux, constituent à la fois des outils de travail, des repérages pour les albums à venir et des aide-mémoires pour noter au vol une pensée, un rève, un souvenir.

En complément de ces carnets, Cosey réalise sur le vif des dessins plus poussés : aquarelles, crayon ou encre de chine au pinceau pour restituer, mieux qu’avec une photo, la lumière d’une montagne, les couleurs d’une, cérémonie ou le désordre d’une scène de rue. Dans A l'heure où les dieux dorment encore,  Les carnets d'Asie dominent  mais on y trouve aussi de beaux hommages aux auteurs qui ont influencé Cosey, ou encore quelques traces des récentes incursions de l'auteur dans l'univers de Mickey Mouse. Cosey commente, raconte, et on le suit à petits pas, sur la pointe des pieds, puisque cela se déroule A l'heure où les dieux dorment encore.

Nul doute que Cosey pensait à son Jonathan en écrivant la conclusion aussi poétique que touchante de ce beau livre : Je me demande s'il existe un endroit où les personnages de fiction se rendent après que le mot Fin ait été écrit. Peut-être qu'ils se retrouvent tous là-bas. Bien sûr, nul ne sait ce qu'ils y font. Pas plus qu'on ne sait ce qu'ils faisaient avant la page 1. Un endroit un peu comme une maison de retraite ou un club très privé, dont l'entrée serait strictement interdite aux auteurs et aux lecteur. J'en serais ravi pour eux.