La belle de mai
Scénario : Mathilde Ramadier
Dessins et couleurs : Elodie Durand
Futuropolis
Quand les ouvrières font un tabac…
Etre cigarière en 1886 à la Manufacture des tabacs de Marseille, voilà un travail des plus harassants : des horaires interminables, un labeur épuisant notamment à cause d’installations vétustes et surtout, cerise sur le gâteau, l’omniprésence d’un petit chef raciste et misogyne qui règne sur des ouvrières qui ne peuvent se contenter que d’un salaire d’appoint, sans espoir d’avenir.
Pour elles alors que faire, se taire et continuer à subir, ou réagir en mobilisant les ouvrières et déclencher une grève sur le tas afin que les bureaux de Paris prennent conscience des conditions de travail et surtout soient incités à muter le petit chef sur une autre usine.
Mais nous sommes au crépuscule du 19ème siècle et se lancer dans un tel bras de fer à fortiori quand on n’est pas syndiquées et quand de plus on fait partie de la gent féminine s’avère périlleux, voire suicidaire.
La scénariste Mathilde Ramadier met en lumière un combat peu connu qui s’est déroulé dans le quartier phocéen de la Belle de Mai. Avec des dialogues enlevés colorés notamment par la gouaille des jeunes femmes, la scénariste entraîne le lecteur à vivre au cœur du conflit avec ces courageuses, emmenées par trois ouvrières d’origine italienne, qui ont décidé de ne plus se laisser faire. Le scénario s’avère bien construit, montant en puissance au fur et à mesure de la mobilisation et de ses doutes, ses remords, mais aussi avec la peur d’y perdre beaucoup.
Avec son trait noir, à l’image du récit, rehaussé quelquefois de bleus pour casser le rythme, la dessinatrice Elodie Durand croque les personnages avec talent.
Avec cet opus, fort de près de 150 pages, faire un focus sur ces femmes couillues permet une fois encore de montrer que le combat féminin ne date pas d’aujourd’hui et que c’est grâce à ces premières luttes que leur condition s’est améliorée, même si elle nécessite encore un combat de tous les instants.