La
colère de Jacques MartinPlusieurs passages de la récente
biographie d'Hergé, Hergé, fils de Tintin, que vient
de publier Benoît Peeters aux éditions Flammarion n'ont pas
du tout plu à Jacques Martin, le pionnier de la bande dessinée
historique. Ainsi, l'auteur d'Alix et de Lefranc réfute totalement
certaines anecdotes, comme celle contant comment il escalada une fenêtre
pour surprendre les roucoulades du créateur de Tintin avec une jeune coloriste
des Studios Hergé qui allait devenir la seconde Madame Remi
Mais
là n'est pas le fait le plus contesté par Jacques Martin.
A la page 352 de l'ouvrage de Peeters, on peut lire : "Jacques
Martin, lui, a mis un bon moment à se faire accepter. Né à
Strasbourg en 1921, il a découvert les Aventures de Tintin au patronage,
à travers les "films fixes" qui étaient tirés des
albums. Il en a été à ce point émerveillé que
cela a décidé de sa vocation. A ses débuts, lui aussi a trempé
dans la Collaboration, publiant quelques dessins dans un journal vichyssois, "Je
maintiendray" (et sous le pseudonyme de Jam !), avant d'être réquisitionné
pour le Travail Obligatoire, aux usines Messerschmitt d'Augsburg".
"C'est
de la pure diffamation ! L'affaire est chez mon avocat, j'ai décidé de poursuivre
ce Monsieur Peeters en justice!" nous a déclaré Jacques Martin lors d'un récent
entretien. Furieux, déniant totalement avoir "trempé dans la Collaboration",
Martin a contacté les éditions Flammarion (propriétaires de Casterman chez qui
les albums de Martin sont publiés !). Elles viennent d'adresser à la presse un
erratum corrigeant le tir. Extrait : "à ses débuts, Jacques Martin a publié
quelques dessins dans "Je maintiendray", une revue des chantiers de jeunesse où
il avait été incorporé, avant d'être réquisitionné pour le Travail Obligatoire,
aux usines Messerschmitt d'Augsburg". Evidemment, ce n'est pas la même chose… Cette
modification apparaîtra certainement dans une prochaine réédition
de l'album. Mais pour Jacques Martin, "le mal est fait. 50 ou 60.000 exemplaires
(1) de l'ouvrage sont perdus dans la nature. De plus, de nombreux journalistes
n'ont pas reçu ce communiqué". Face à cette douloureuse
période de l'histoire du 20ème siècle, le recul est de mise.
Que penser de cette affaire ? Benoît Peeters a-t-il laissé courir
sa plume trop rapidement ? Jacques Martin cherche-t-il à cacher un épisode
peu glorieux de sa riche carrière ? La justice, si l'affaire va jusque-là,
répondra probablement à ces questions. Mais nous n'en sommes pas
là ! Pour Benoît Peeters, que nous avons contacté, il n'y
a pas de polémique : "ma formule était sans doute excessive.
"Je maintiendray" est une revue des Chantiers de jeunesse, bon. Mais
le contenu de ce qu'y a dessiné le jeune Jacques Martin est à l'évidence
anodin
". Et de compléter : "Je suis réellement
désolé si j'ai blessé Jacques Martin. C'est un grand auteur,
pour lequel j'ai beaucoup d'estime. Mais je ne crois vraiment pas que ce que le
lecteur retient de la lecture de mon livre soit de nature à lui nuire.
Au fil des pages, ce qu'on apprend surtout, c'est l'importance des apports de
l'auteur d'Alix aux Aventures de Tintin". A suivre ?
(1)
environ 20.000 selon Peeters (ndlr) |