Davodeau, Grand Prix de la Critique
Une semaine après la sélection des nominés, les membres de l'Association des Critiques et Journalistes de Bandes Dessinées ont désigné l'album, Les Mauvaises Gens d'Etienne Davodeau, publié chez Delcourt, comme Grand Prix de la Critique 2005.
Prenant comme fil conducteur une tranche de vie de ses parents, Etienne Davodeau nous conte la vie d'une région, Les Mauges (contraction de Mauvaises et Gens, parait-il). Démarrant son récit à la fin de la seconde guerre mondiale, il nous trace le portrait de ces gens quittant l'école à l'aube de l'adolescence pour l'usine et ses pénibles conditions de travail. Une poignée d'entre eux s'engagent dans l'action militante pour améliorer le quotidien de ces travailleurs. Une action que l'on suit jusqu'en 1981, alors que la gauche arrive au pouvoir avec l'arrivée de François Mitterrand à la présidence de la République.
Avec ce récit ancré dans un milieu ouvrier catholique perdu dans les campagnes du Maine-et-Loire, Etienne Davodeau réussit à mettre en lumière le parcours et les aspirations de ces ouvriers militant en quête de justice et de progrès social. A travers les 196 pages de l'ouvrage, il dresse le portrait d'une évolution sociale et des difficultés qui y sont liées. Ce livre s'adresse à tous ceux –qu'ils soient de gauche ou de droite- qui veulent comprendre comment et pourquoi sont nés les syndicats dans cette partie de la France.
L'auteur est parvenu à mettre en images une tranche de vie de Marie-Jo et Maurice, sans lourdeur, en dosant parfaitement chaque chapitre, chaque séquence. Mêlant flash-back et témoignages, il réussit dans ces « Mauvaises Gens » à plonger le lecteur dans une atmosphère réaliste propice à susciter l'intérêt. Il démontre aussi que, à l'instar du roman, la bande dessinée est un art qui permet d'aborder également des thèmes plus graves.
Après Blankets, Manteau de neige, de l'Américain Craig Thompson, en 2004, l'ACBD met à nouveau à l'honneur une bande dessinée centrée sur du vécu. Gageons que ce prix mérité apportera un nouvel éclairage sur une bande dessinée peut-être moins divertissante, mais particulièrement intéressante.