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Entretien avec Jerry Frissen

Jerry Frissen dans le désert © DR

Jerry Frissen dans le désert © DR

« C’est une histoire de monstres avec un prétexte scientifique »


Après ses Zombies qui ont mangé le monde et l'univers de Lucha Libre et ses différentes déclinaisons, c'est un étonnant triptyque de SF que vient de signer Jerry Frissen au Lombard. World War X revient à des clichés basiques (mais éprouvés) de la science-fiction, avec des extra-terrestres verts et belliqueux qui entament une nouvelle étape de leur « guerre des mondes », des politiciens mégalos qui rêvent de s'approprier leur puissance, une organisation mystérieuse et un héros euh... plus ou moins humain. Autant d'éléments que conjugue Jerry Frissen, installé à Los Angeles depuis 2000, pour aboutir à trois albums addictifs d'une redoutable efficacité, à la frontière des comics - le dessinateur est Peter Snejbjerg, un habitué du genre - et de la BD européenne. Une vraie surprise au sujet de laquelle le scénariste a répondu depuis L.A. à nos questions.

Bien qu'il s'agisse d'une BD dite "de genre", World War X est très différent de ce que l'on connaissait de vous jusqu'à maintenant. Qu'est-ce qui vous a amené à aborder ce type de SF ?
J'aime profondément la SF, j'en ai lu toute ma vie et j'avais vraiment envie de m'y mettre. Elle a toujours été sous-jacente dans mes séries précédentes que ce soit dans les Zombies qui ont mangé le monde ou Lucha Libre. Dans le cas de WWX, c'est une histoire de monstres avec un prétexte scientifique.

La plupart des critiques parlent de série B. Vous assumez ? Et c'est quoi une série B ?
C'est à eux qu'il faut le demander ! Je fais les choses, comme j'en ai envie en suivant mon instinct, sans vraiment me préoccuper de savoir comment ça va être perçu. Pour être franc, je n'ai aucune idée de ce que pourrait être une série B en BD.

extrait page 113 encrage © Fryssen et Snejbjerg / Le Lombard

extrait story-board
© Fryssen et Snejbjerg / Le Lombard

Comment s'est créée l'association avec Jerry Snejbjerg ?
Je cherchais un dessinateur qui pouvait tout dessiner et qui n'avait peur de rien. Un peu comme Guy Davis par exemple. Je connaissais le travail de Peter et je l'ai contacté. Il n'y a pas beaucoup de dessinateurs à qui on peut demander de dessiner un tremblement de terre ou un accident d'avion.

On a l'impression que vous vous travaillez avec des dessinateurs qui associent plusieurs influences. Peter Snejbjerg, sur World War X, réalise-t-il la synthèse de son univers "comics" et d'une BD franco-belge plus classique ?
Ce sont des questions que je ne me pose pas. Je pense que ça doit venir naturellement. Tout le monde travaille avec ses influences, ses envies, ses souvenirs ou qu'est-ce que je sais ? Mais c'est vrai que j'ai toujours cultivé l'idée du mélange. Quand j'écris, je ne pense que très rarement au résultat final. C'est très abstrait comme processus de travail. Avec Peter, la relation de travail était particulière parce qu'il voulait se charger du découpage. Le script du premier était hybride dans le sens où j'ai fait un découpage par page et non par case, mais les deux albums suivants sont écrits par scène. J'ai trouvé ça particulièrement agréable.

En tant que dessinateur de comics, quel regard porte-t-il sur la BD franco-belge (et les albums soignés de World War X) ?
Nous n'avons jamais eu cette conversation. Il fait du comics, mais il est Danois, il a donc un pied sur les deux continents. Certains m'ont déjà dit que WWX était du vrai comics et d'autres que c'était du véritable franco-belge. Peut-être que c'est juste une affaire de perception ? Et puis, y-a-t-il vraiment une raison pour cloisonner ou vouloir identifier ce que c'est ? Pour ma part, j'essaye de trouver l'inspiration dans autre chose que la BD ou les comics. Du coup, j'en lis très peu. Mes principales inspirations sont ma vie de tous les jours, mes nombreux séjours dans le désert et les articles scientifiques – que je ne comprends qu'à moitié. Je ne comprends toujours rien à la physique quantique mais c'est une grande source d'inspiration.

Page 116 encrage © Frissen et Snejbjerg / Le Lombard

extrait work in progress
© Frissen et Snejbjerg / Le Lombard

On retrouve un côté addictif sur les trois tomes, assez présent dans les séries télé actuelles, une impression peut-être renforcée par la présence d'un "teaser" à la fin du tome 1. Aviez-vous élaboré votre scénario de cette manière dès le départ ? Et la sortie des très tomes sur un laps de temps très limité était-elle d'ores et déjà définie ?
Mon but était de faire quelque chose avec de l'action qui rebondit tout le temps, une espèce de course contre la montre, sans temps mort. Les personnages principaux doivent agir vite et tout le temps. De temps en temps, ils ont une demi-page pour essayer de se parler mais ce n'est pas assez pour qu'ils règlent leurs  problèmes personnels, leur histoire d'amour. Ils sont obligés de faire quelque chose qu'ils n'avaient jamais penser devoir faire un jour. J'aime bien cette idée en fait. Montrer la fragilité de ce qui nous entoure. Les sorties rapprochées et le teaser sont des idées de l'éditeur mais j'étais plutôt pour !

Une sortie aux USA est-elle prévue, ou envisageable ?
Oui, je pense.

World War X  était présent à la Comic-Con de Paris, peut-on dire que, d'une certaine manière, c'était boucler symboliquement votre itinéraire ?
Scénario de la page 1 du tome 3 © Fryssen / Le Lombard

Scénario de la page 1 du tome 3
© Frissen / Le Lombard

C'est exact. C'est assez rigolo en fait. Mais j'ai passé mon enfance à Waterloo, en Belgique. Il faudrait qu'il se passe quelque chose là-bas pour vraiment boucler mon itinéraire. Mais d'un autre côté, ça me forcerait à y retourner. Quelle horreur !

Hasard des calendriers, alors que sort Adesh, le tome 3 de World War X, sur les écrans, c'est World War Z qui agite ses zombies. Vous étiez presque un précurseur de cette mode zombie avec les Zombies qui ont mangé le monde…
Quand on parle de zombies, c'est difficile de dire que j'étais là avant tout le monde, mais c'est vrai que dans cette mode actuelle du retour du zombie, je devais être dans les premiers.

Quels sont aujourd'hui vos projets, des deux côtés de l'Atlantique ?
J'ai pas mal de trucs en cours. Presque exclusivement de la SF. Le retour des Zombies, aussi. Une série d'humour et un peu de Moyen-Âge. 
 

Lire également : la chronique de l'album  
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Pierre Burssens
23/07/2013