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Entretien avec Jean Van Hamme


Jean Van Hamme en juin 2015
© Marc Carlot / Auracan.com

« Quand on m'interroge, on ne me parle que de mes succès. Là, je parle aussi des mes échecs ! »

Que ce soit pour la bande dessinée, le roman, le cinéma, la télévision ou le théâtre, Jean Van Hamme est un auteur qui manie la plume avec talent. À 76 ans, il sort un livre qui dresse le bilan de cette belle carrière vouée à l'écriture. Parallèlement, le Centre Belge de la Bande Dessinée le met à l'honneur à travers une très belle exposition qui retrace son parcours en bande dessinée. Rencontre !

Sur les motivations qui l'on conduit à écrire ce livre, Jean Van Hamme se montre très clair : « Lorsque je suis interviewé pour une monographie, cela se passe toujours de la même façon. Il y a un type qui me pose des questions et c'est lui qui mène le jeu. Cette fois, j'avais envie de mener moi-même le jeu et de raconter exactement ce que je voulais. Comme mon métier, c'est l'écriture, cela ne m'était pas très difficile. Et le fait d'écrire ce livre moi-même m'a permis d'y mettre l'humour nécessaire pour montrer que je ne me prends pas trop au sérieux. »

La critique de Mémoires d'écriture

Mémoires d'écriture
© Jean Van Hamme
Grand Angle

Un besoin de parler de ses échecs

« Quand on m'interroge, on ne me parle généralement que de mes succès. Là, je parle aussi des mes échecs ! Parce qu’il y en a forcément. J’en ai un peu ras-le-bol d’entendre que tout ce que je touche se transforme en or. Oui, ça peut arriver, mais il y a souvent eu des déceptions, de la rancoeur et donc je tiens à montrer que - je ne dis pas que j’ai été malheureux, que la vie n’est pas rose - tout ne se transforme pas en or parce qu’on claque des doigts. J'évoque aussi l’incidence de ma vie privée - le rapport avec mon père et sa bibliothèque - ainsi que l’incidence de ma vie professionnelle dans une multinationale sur mon envie d’écrire. Mais je ne parle pas de mes amours, de mes enfants, de mes voyages. Je montre toutes les facettes d’un itinéraire dans la création. Cela inclut les déceptions, tout ce qui ne marche pas... Franquin disait, parce qu’il était un peu dépressif de nature : Les échecs stimulent, les réussites dépriment. C’était son opinion. Pour ma part, je dirais que les réussites donnent un autre parfum à une carrière et cela vous permet de parler de vos échecs sans la moindre amertume. »

Jean Van Hamme à l'entrée de l'expo qui lui est consacrée au Centre Belge de la Bande Dessine à Bruxelles © Daniel Fouss

Jean Van Hamme à l'entrée de l'exposition
qui lui est consacrée au Centre Belge de la Bande Dessinée à Bruxelles
© Daniel Fouss

Une pièce de théâtre en préparation

« Cela faisait 25 ans que je voulais écrire pour le théâtre. Je reportais sans cesse faute de disponibilité. Maintenant, j'ai trouvé un peu de temps et la pièce est écrite. Ce n’est pas comique. Cinq personnes de 56 ans se retrouvent. Il s’est passé quelque chose 34 ans plus tôt, mais ça vient de se révéler. Huis-clos, 24h, 5 personnages… Il faut régler les comptes. Et ça ne se fait pas dans la dentelle ! »

Prochainement sur une scène belge

« Je préfère commencer par la Belgique car les directeurs de théâtre choisissent les pièces parce qu'ils y croient. En France, du moment qu'ils trouvent des têtes d'affiche pour la jouer, ils savent que le public va suivre. Ils se foutent pas mal du contenu ! Mais je ne vais pas m'adresser directement aux directeurs de théâtre. J'ai ma petite recette pour obtenir rapidement des réponses. Je l'ai déjà utilisée pour faire publier mes romans. Mais je ne peux pas en dire plus. Je dévoilerai mon secret quand ce sera fait ! »

SOS Bonheur T3 © Griffo, Van Hamme / Dupuis

SOS Bonheur T3
© Griffo - Van Hamme
Dupuis

Un touche à tout dans le domaine de l'écriture

Jean Van Hamme a oeuvré dans un peu tous les domaines de l’écriture: roman, BD, téléfilms, séries télé, films, adaptations pour le cinéma, théâtre… « Pas la chanson [rires]. » rajoute-t-il avec humour. Un support reste pourtant son favori : « Ce que je préfère c’est le roman. Parce qu’il n’y a pas de contrainte dans ce type d'écriture. C'est à la fois le piège et le plaisir. On n'a pas de contraintes de durée, pas de contraintes de temps. Vous n’êtes pas trahi ou interprété par un dessinateur, un metteur en scène, un comédien. Vous êtes en prise directe avec le lecteur. À vous de le saisir ! Un roman permet d’exprimer ce qui se passe dans la tête du protagoniste. En bande dessinée, c'est plus difficile. Au cinéma aussi. À part avoir la voix off qui raconte. Le roman est ce que je trouve le plus agréable. »

Ses plus grandes satisfactions

L'auteur avoue lucidement que certains albums de XIII ou Thorgal sont plus faibles que les autres… Sa préférence va donc aux histoires complètes en 1, 2, 3 volumes : «  le one-shot ne dépend pas des faiblesses d’une série. Dans une série, vous avez des bons morceaux et d’autres qui sont moins bons. Dans un one-shot vous mettez tout dans une seule histoire. Que ce soit Le Chninkel, Western ou SOS Bonheur, je me suis beaucoup amusé à les imaginer. Je ne peux pas dire qu’une série m’aie amusé d’un bout à l’autre sur 20 ans. Parce qu’il y a des moments où ça sent un peu le ventre mou. J’en suis parfaitement conscient. Avec Largo Winch c’est plus simple. Comme ce sont des diptyques, à chaque fois, je peux repartir à zéro. C'est pourquoi je l'apprécie. » Pourtant, Jean Van Hamme confie à propos de son héros milliardaire : « Je ne tarderai pas à arrêter. »

Un Largo Winch 3 écrit pour le cinéma

« J'étais consultant sur le scénario pour les 2 premiers films Largo Winch - on ne m’écoutait pas du tout d’ailleurs. Le deuxième, au point de vue scénaristique, était complètement raté ! De l'action, mais côté émotion, zéro ! Comme ces films avaient coûté beaucoup trop cher, j'avais proposé à la productrice d'écrire le troisième. De sorte que le film lui coûte la moitié du prix des autres, et qu'au moins on fasse des bénéfices. Je suis co-producteur dans ce projet pour une part de mes droits. Je dois admettre que, pour le moment, on est un peu en panne. Le scénario est écrit. Mais on doit trouver un autre comédien et un autre metteur en scène. La Pan-Européenne est une société qui produit pas mal de films, donc ça n’est pas leur priorité je suppose. L'avantage est que plus on attend, plus on oubliera l’acteur principal. »

Une dernière BD en 2018 ?

Le scénariste de XIII est aussi l'instigateur de la série parallèle XIII Mystery qu'il supervise depuis le début : « J’ai travaillé avec les scénaristes. J’ai joué le script doctor à fond ! Je ne m’occupe pas du dessin. Je ne m’occupe que du scénario. Pour certains qui sont des vieux routiers, je n'ai fait que quelques remarques, pour d’autres qui étaient des jeunes prometteurs, je les ai faits recommencer, retravailler, condenser les séquences… J’ai vraiment travaillé là-dessus et je suis plutôt content du résultat. L'inconvénient avec cette collection, c'est que tout cela concerne la première période de la série et que cela fait quand même 9 ans qu’elle est arrêtée. Donc cela commence à être un peu ancien dans la tête des lecteurs. Tous n'ont pas le courage de relire la série avant de lire le XIII Mystery. Plus le temps s’allonge, moins la liaison avec la série mère est évident. Le 13e que j’ai écrit sortira en 2018 avec Olivier Grenson au dessin. Douze ans après la fin de la série. Deux mois avant mon 80e anniversaire. Ce sera probablement ma dernière bande dessinée. »

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Marc Carlot
29/06/2015