Votre nom est aujourd'hui associé à celui
de David Chauvel. Mais avant lui, vous avez travaillé avec Pierre Dubois,
le spécialiste des lutins et des korrigans
A l'époque
où je finissais mes études à Mulhouse en école d'ingénieur,
je voulais absolument faire de la bande dessinée. Je me suis mis à
la recherche d'un scénariste. J'avais connu Pierre Dubois lorsque
j'habitais à Rennes. Je lui en ai parlé et cela a donné Caïrn,
deux albums chez Zenda. Il s'agissait d'héroïc-fantasy qu'on qualifiera
de débridée ! Cette série m'a permis de faire ce que je voulais.
Et comment avez-vous rencontré David Chauvel ?
On se connaît depuis le lycée : nous étions dans le même
club de sport à Rennes. Je l'ai retrouvé par l'intermédiaire
d'Erwan Fagès avec qui il faisait Black Mary. Il m'a aidé
à réaliser le découpage de Caïrn. En effet, Pierre
Dubois me donnait juste son scénario sous la forme d'une nouvelle. Puis
David m'a proposé le scénario d'un polar, Nuit noire.
Ce triptyque est un des rares polars de Chauvel se déroulant en France
et non aux Etats-Unis
Pour cette histoire, cela m'a permis d'aborder
un univers contemporain, ce qui était inédit pour moi. David dit
que c'était un test pour voir si j'étais capable de le faire. Je
garde un bon souvenir de Nuit noire : plus ou moins interprétés,
les lieux que j'ai dessiné sont ceux de mon enfance à Rennes. Ça
m'a bien plut de dessiner une ZUP (ndlr : zone à urbaniser en priorité)
avec son supermarché, ses lotissements
ce qui a rarement été
fait en bande dessinée.
Quel a été
l'accueil de ce récit ? Nous avons eu une bonne presse, mais
malheureusement, le public n'a pas accroché. C'est vrai que c'est très
noir comme ambiance. A ce propos, je suis très content que les trois albums
aient été réédités en une intégrale
noir et blanc. A l'origine, nous devions la publier sous cette forme et non en
plusieurs albums couleur. Après avoir bouclé ce polar, on aurait pu s'attendre
à vous retrouver dans un univers similaire, caractéristique de Chauvel,
celui du polar contemporain et américain. Au contraire, vous publiez en
1999 Myrddin le fou, premier tome d'une saga consacrée au légendaire
Roi Arthur. Pourquoi ce changement de registre ? Après Nuit
noire, je voulais dessiner des chevaux ! Je voulais mettre en scène
un univers ancien, un peu primitif. Quand j'étais étudiant, David
m'avait déjà proposé d'aborder l'histoire du roi Arthur.
Puis cela lui été sorti de la tête
et je lui en ai reparlé.
Arthur, une épopée celtique est une série
particulièrement ambitieuse, de par son thème universel, mais surtout
par le choix scénaristique. Chauvel se base en effet sur les sources pré-chrétiennes,
beaucoup moins connues
En effet, David se base sur les textes
pré-chrétiens, avant que les différents récits soient
christianisés. A notre avis, cela n'aurait aucun intérêt de
faire un remake d'Excalibur ou Prince Valliant. Nous racontons des
récits que le lecteur ne connaît pas mais qui sont à la base
d'histoires qu'il connaît bien. Nous nous basons sur des textes qui remontent
au 9ème siècle. Le travail de David est de s'en inspirer avec un
gros travail d'adaptations. Ces documents manquent de cohérence. Il y a
énormément de lacunes, d'incohérences. Il fait un gros travail
de mise en forme. Conséquence de ce choix, la structure narrative
est particulière : beaucoup de récitatifs, beaucoup de personnages
aux noms imprononçables
(rires) Nous en étions
conscients en débutant cette série. Je trouve bien que les noms
ne soient pas ceux que l'on connaît comme Morgane, Merlin, Guenièvre
Ils sont trop associés à la légende médiévale.
Ça aide à oublier la version médiévale. Etes-vous
d'accord avec Chauvel quand il déclare, un peu de façon provocante,
que cette série "tient autant du texte illustré que de la bande
dessinée" (cf. Delcourt Planète n°14) ? Cela
est valable pour le premier album. Les nombreux textes off sont même parfois
redondants avec l'illustration. Depuis, nous faisons attention à ces critiques.
Je trouve que cela est moins vrai pour les autres albums. Mais vous savez, ce
n'était pas évident de trouver le ton juste pour cette série.
A votre avis, à quel style de bd Arthur s'apparente-t-il ?
Cela doit être à mi-chemin entre la bande dessinée real-fantastique
et le récit vaguement historique. S'il fallait trouver un terme, on pourrait
qualifier Arthur d'historico-fantastique (rires) !
|
Comment dessine-t-on cette série ? Sur le
premier tome, j'ai eu beaucoup de mal à gérer l'espace : beaucoup
d'images, beaucoup de textes
J'ai pris conseil auprès de dessinateurs
comme Patrice Pellerin, Laurent Hirn, Olivier TaDuc, Christian
Rossi
des gens qui s'y connaissent. J'utilise de la documentation
mais pas quand je dessine. J'essaie d'avaler tout ça et dessine selon les
souvenirs que j'en ai. Parfois, bien sur, j'y reviens mais je ne tiens pas être
esclave que la documentation. De toute façon, il existe très peu
de documents sur l'époque que je dessine, vers les 5ème et 6ème
siècles. Je me suis documenté sur les Celtes et les Vikings et j'ai
cherché à mêler les deux afin d'obtenir une ambiance cohérente.
Je ne recherche pas la véracité historique. Combien d'albums
sont prévus ? Il y aura neuf tomes. Nous irons jusqu'à
la fin de l'histoire d'Arthur. David écrit la série par cycle. Après
trois volumes dédiés chacun à un personnage, le cycle en
cours présente des couples. Votre style ne cesse de progresser.
Si on compare le premier tome de Nuit noire et le cinquième
d'Arthur, on peut se demander s'il s'agit du même dessinateur
!
J'aurai beaucoup de mal à vous répondre. C'est
vrai que je cherche à évoluer, à épurer de plus en
plus mon dessin. L'encrage me pose quelques difficultés, mais j'y travaille.
Je tiens à préciser que mon coloriste, Jean-Luc Simon, fait
du très bon travail. On se complète bien. Parallèlement
cette série, avez-vous d'autres projets ? ou du moins des envies pour l'après
Arthur ?
A priori non. J'ai quelques travaux
annexes d'illustration mais préfère me consacrer à la série
et la mener à terme. Pour la suite, David et moi avons une idée
: une histoire d'héroïc-fantasy
Propos recueillis par Brieg
F. Haslé en 2002
Reproduction interdite sans autorisation préalable
© Auracan 2002
Remerciements
à Emmanuelle Klein des Editions Delcourt © Lereculey,
Chauvel & Delcourt pour les images de Arthur |