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Jérôme Lereculey

Rencontre avec le dessinateur Jérôme Lereculey à l'occasion de la parution du cinquième tome d'Arthur, la saga celtique qu'il signe avec David Chauvel.

Croquis préparatoire (c) Lereculey, Chauvel & Delcourt

Votre nom est aujourd'hui associé à celui de David Chauvel. Mais avant lui, vous avez travaillé avec Pierre Dubois, le spécialiste des lutins et des korrigans…
A l'époque où je finissais mes études à Mulhouse en école d'ingénieur, je voulais absolument faire de la bande dessinée. Je me suis mis à la recherche d'un scénariste. J'avais connu Pierre Dubois lorsque j'habitais à Rennes. Je lui en ai parlé et cela a donné Caïrn, deux albums chez Zenda. Il s'agissait d'héroïc-fantasy qu'on qualifiera de débridée ! Cette série m'a permis de faire ce que je voulais.


Et comment avez-vous rencontré David Chauvel ?
On se connaît depuis le lycée : nous étions dans le même club de sport à Rennes. Je l'ai retrouvé par l'intermédiaire d'Erwan Fagès avec qui il faisait Black Mary. Il m'a aidé à réaliser le découpage de Caïrn. En effet, Pierre Dubois me donnait juste son scénario sous la forme d'une nouvelle. Puis David m'a proposé le scénario d'un polar, Nuit noire.


Ce triptyque est un des rares polars de Chauvel se déroulant en France et non aux Etats-Unis…

Pour cette histoire, cela m'a permis d'aborder un univers contemporain, ce qui était inédit pour moi. David dit que c'était un test pour voir si j'étais capable de le faire. Je garde un bon souvenir de Nuit noire : plus ou moins interprétés, les lieux que j'ai dessiné sont ceux de mon enfance à Rennes. Ça m'a bien plut de dessiner une ZUP (ndlr : zone à urbaniser en priorité) avec son supermarché, ses lotissements… ce qui a rarement été fait en bande dessinée.


Quel a été l'accueil de ce récit ?
Nous avons eu une bonne presse, mais malheureusement, le public n'a pas accroché. C'est vrai que c'est très noir comme ambiance. A ce propos, je suis très content que les trois albums aient été réédités en une intégrale noir et blanc. A l'origine, nous devions la publier sous cette forme et non en plusieurs albums couleur.

 
Croquis préparatoire (c) Lereculey, Chauvel & Delcourt

Après avoir bouclé ce polar, on aurait pu s'attendre à vous retrouver dans un univers similaire, caractéristique de Chauvel, celui du polar contemporain et américain. Au contraire, vous publiez en 1999 Myrddin le fou, premier tome d'une saga consacrée au légendaire Roi Arthur. Pourquoi ce changement de registre ?
Après Nuit noire, je voulais dessiner des chevaux ! Je voulais mettre en scène un univers ancien, un peu primitif. Quand j'étais étudiant, David m'avait déjà proposé d'aborder l'histoire du roi Arthur. Puis cela lui été sorti de la tête… et je lui en ai reparlé.

Arthur, une épopée celtique est une série particulièrement ambitieuse, de par son thème universel, mais surtout par le choix scénaristique. Chauvel se base en effet sur les sources pré-chrétiennes, beaucoup moins connues…
En effet, David se base sur les textes pré-chrétiens, avant que les différents récits soient christianisés. A notre avis, cela n'aurait aucun intérêt de faire un remake d'Excalibur ou Prince Valliant. Nous racontons des récits que le lecteur ne connaît pas mais qui sont à la base d'histoires qu'il connaît bien. Nous nous basons sur des textes qui remontent au 9ème siècle. Le travail de David est de s'en inspirer avec un gros travail d'adaptations. Ces documents manquent de cohérence. Il y a énormément de lacunes, d'incohérences. Il fait un gros travail de mise en forme.

Conséquence de ce choix, la structure narrative est particulière : beaucoup de récitatifs, beaucoup de personnages aux noms imprononçables…
(rires) Nous en étions conscients en débutant cette série. Je trouve bien que les noms ne soient pas ceux que l'on connaît comme Morgane, Merlin, Guenièvre… Ils sont trop associés à la légende médiévale. Ça aide à oublier la version médiévale.

Etes-vous d'accord avec Chauvel quand il déclare, un peu de façon provocante, que cette série "tient autant du texte illustré que de la bande dessinée" (cf. Delcourt Planète n°14) ?
Cela est valable pour le premier album. Les nombreux textes off sont même parfois redondants avec l'illustration. Depuis, nous faisons attention à ces critiques. Je trouve que cela est moins vrai pour les autres albums. Mais vous savez, ce n'était pas évident de trouver le ton juste pour cette série.

A votre avis, à quel style de bd Arthur s'apparente-t-il ?
Cela doit être à mi-chemin entre la bande dessinée real-fantastique et le récit vaguement historique. S'il fallait trouver un terme, on pourrait qualifier Arthur d'historico-fantastique (rires) !

 
Ex Libris pour la librairie Folle Image (c) Lereculey, Chauvel & Delcourt

Comment dessine-t-on cette série ?
Sur le premier tome, j'ai eu beaucoup de mal à gérer l'espace : beaucoup d'images, beaucoup de textes… J'ai pris conseil auprès de dessinateurs comme Patrice Pellerin, Laurent Hirn, Olivier TaDuc, Christian Rossi… des gens qui s'y connaissent. J'utilise de la documentation mais pas quand je dessine. J'essaie d'avaler tout ça et dessine selon les souvenirs que j'en ai. Parfois, bien sur, j'y reviens mais je ne tiens pas être esclave que la documentation. De toute façon, il existe très peu de documents sur l'époque que je dessine, vers les 5ème et 6ème siècles. Je me suis documenté sur les Celtes et les Vikings et j'ai cherché à mêler les deux afin d'obtenir une ambiance cohérente. Je ne recherche pas la véracité historique.

Combien d'albums sont prévus ?
Il y aura neuf tomes. Nous irons jusqu'à la fin de l'histoire d'Arthur. David écrit la série par cycle. Après trois volumes dédiés chacun à un personnage, le cycle en cours présente des couples.

Votre style ne cesse de progresser. Si on compare le premier tome de Nuit noire et le cinquième d'Arthur, on peut se demander s'il s'agit du même dessinateur !…
J'aurai beaucoup de mal à vous répondre. C'est vrai que je cherche à évoluer, à épurer de plus en plus mon dessin. L'encrage me pose quelques difficultés, mais j'y travaille. Je tiens à préciser que mon coloriste, Jean-Luc Simon, fait du très bon travail. On se complète bien.

Parallèlement cette série, avez-vous d'autres projets ? ou du moins des envies pour l'après Arthur ?…
A priori non. J'ai quelques travaux annexes d'illustration mais préfère me consacrer à la série et la mener à terme. Pour la suite, David et moi avons une idée : une histoire d'héroïc-fantasy…


 

Propos recueillis par Brieg F. Haslé en 2002
Reproduction interdite sans autorisation préalable
© Auracan 2002

Remerciements à Emmanuelle Klein des Editions Delcourt

© Lereculey, Chauvel & Delcourt pour les images de Arthur

 

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