Soucoupes
Scénario : Arnaud Le Gouëfflec
Dessins et couleurs : Obion
Glénat, collection 1000 feuilles
Délirant et fascinant
Le premier album entre Obion et Arnaud Le Gouëfflec avait été Vilebrequin. L’écriture et le dessin se répondaient dans un concept amusant et artistique. Ce deuxième album partait du même jeu. Placer des soucoupes dans l’album et jouer avec les formes graphiques. Entre le concept et la réalisation, le projet a bien évolué. Le résultat est saisissant ! Si l’écriture est d’Arnaud Le Gouëfflec, si Obion est au dessin et à la couleur, qu’en est il de la mise en scène ? C’est un jeu ininterrompu entre les deux auteurs. Images et textes se répondent dans un déluge artistique aussi magnifique que délirant !
Le Gouëfflec propose une galerie de personnages étonnants. Autour de Christian, misanthrope et quelque peu réac, on rencontre une opiomane, un extraterrestre féru de culture, des savants ayant perdu leur logique et des femmes amoureuses. Pour les habitués du monde littéraire d’Arnaud, ils n’ont rien de particulier. Mais ici, nous sommes dans une bande dessinée. Au texte, doit répondre une image. L’auteur se met au défi de ne pas faire parler l’être venu d’ailleurs. Défi largement réussi puisqu’en plus d’être muet, son expression est neutre ! Au dessinateur de se débrouiller avec çà !
Obion. Auteur aux multiples talents et expert es-jeux de mots. S’il a laissé le langage à Arnaud, il a pris ses logiciels pour nous faire un album 100% numérique. Le résultat est bluffant ! Jeux de lumières, jeux d’ambiances, c’est toute une atmosphère, une palette graphique qui est à chaque case revisitée. Chose étonnante, il réussit à donner des émotions au personnage extraterrestre. Une gageure quand on voit le personnage (un godemichet sur pattes, avec un design des années 50).
Sans le nommer, les auteurs ont choisi un lieu particulier pour Soucoupes : la ville de Brest. Elle est à la pointe du Finistère (fin de la terre). Une rencontre inter-espèces ne pouvait avoir lieu que là-bas. Les auteurs aiment leur ville et à travers plusieurs cases, on reconnaîtra différents quartiers et places chers aux brestois. Il n’est pourtant pas question de montrer Brest ou de faire un album carte-postale. Alors Obion la change. Le lieu de l’action est alors entre Brest et ailleurs, mais ce mixte est tout à fait réussi. Un repérage photographique sur les lieux serait intéressant à faire.
La musique est importante dans cet album. On connaît le talent d’Arnaud le Gouëfflec pour jouer et chroniquer de la musique. Obion est féru de musique, lui aussi. Il suffit de suivre de son blog pour s’en apercevoir. Quand le duo se rassemble, la musique ne peut qu’être présente. Si le métier de Christian est disquaire, les genres rencontrés sont éclectiques. On passe de John Coltrane à Debussy. On « écoutera » aussi une version remixée de Flying saucers rock’n’roll (un morceau de Billy Lee Riley). Obion et Arnaud sont aussi de joyeux trublions. Ils ont truffé Soucoupes de références : brestois, personnalités, artistes… Saurez-vous toutes les retrouver ?
Cette bande dessinée est éditée dans la collection 1000 feuilles. Un catalogue à part des éditions Glénat. À chaque nouvel album, c’est la surprise. Format, pagination, tout change à chaque parution, mais l’ensemble est toujours travaillé avec qualité. Une collection à effeuiller avec plaisir. Soucoupes est une jolie fable qui permettra de dire à certains « biologiquement, je ne suis pas fait pour vivre sur terre ». Les auteurs nous interrogent sur des concepts humains (culture, amour, etc.). Délirant et fascinant, le duo Obion-Le Gouëfflec fonctionne bien. Cet essai pour le catalogue Glénat est une réussite totale !