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Face au Mur, par L. Astier d'après le récit de Jean-Claude Pautot, Laurent Astier (Casterman)

Face au Mur

Scénario : L. Astier d'après le récit de Jean-Claude Pautot
Dessins et couleurs : Laurent Astier

Casterman

La mangeuse d'hommes

Condamné pour des faits de grand banditisme, Jean-Claude Pautot a raconté la prison, les braquages, les planques et les cavales à Laurent Astier. Dans la tradition des grands auteurs américains, ils ont forgé une fiction inspirée directement du réel : "Mon métier est inscrit dans mon casier : braqueur multirécidiviste. C'est la seule chose que je sais faire. Depuis le début, je savais que ça allait mal se terminer. Mais je ne savais ni où, ni quand. Et encore moins comment. Et même si quelqu'un me l'avait dit, ça n'aurait rien changé."

En janvier 2012, Laurent Astier se rend à la Maison Centrale de Saint-Maur pour animer un atelier BD. L'auteur est bien résolu à ne pas utiliser ce qu'il y entendra dans ses histoires. Parmi les neuf détenus inscrits, un seul est présent à l'atelier : Jean-Claude Pautot, figure du grand banditisme et...peintre en devenir. D'atelier en atelier, les deux hommes se rapprochent et Pautot évoque son parcours. L'envie de réaliser une BD ensemble s'impose peu à peu...

Ainsi naît Face au Mur, évocation de la vie de Jean-Claude Pautot, résumée de cette manière : 60 piges, 25 de cabane, 15 de cavale. Plutôt qu'un récit linéaire, Laurent Astier a préféré scénariser des épisodes de la carrière du bonhomme, à différentes époques et différents âges. Chacun de ces chapitres, dessiné, est traité dans une gamme de couleurs différente.

Evasion d'une maison d'arrêt à Lyon, braquage d'un dpôt de fonds en Ile-de-France, arrestation en Allemagne, cavale en Corse, première détention significative à Belle-Ile-en-Mer... Ce sont des souvenirs musclés et explosifs qui défilent ainsi dans un roman graphique de près de 140 pages, des souvenirs terriblement humains, aussi, sur lesquels plâne en permanence l'ombre de la mangeuse d'hommes, la prison. Celle-ci est omniprésente, et le dessinateur nous donne un bon aperçu des architectures de différentes maisons d'arrêt dont certaines semblent d'un autre temps. L'une ou l'autre a d'ailleurs, aujourd'hui, disparu. 

Témoignage oblige, le narratif occupe la majeure partie du texte, sobre mais efficace. Cependant, tout en passant d'un chapitre à l'autre, on mesure une fois encore que la réalité dépasse parfois la fiction. Astier excelle dans le genre policier, et Face au Mur peut également être abordé de cette manière. Scénario et découpage ménagent suffisamment de suspense pour donner envie d'avancer, de tourner les pages et d'aboutir à une conclusion. Car mine de rien, on en vient à s'attacher à Pépé, la tête-brûlée, acteur mais aussi jouet d'une destinée criminelle. 

A soixante ans, Jean-Claude Pautot s'est rangé. Il a obtenu sa liberté conditionnelle et se consacre aujourd'hui à la peinture et la sculpture. Face au Mur ne juge ni ne critique pas. Témoignage brut et réaliste sur le destin d'un homme, sur une frange de notre société et ses rouages, il constitue aussi assurément une lecture de choix pour tous les amateurs de polar. Sa date de sortie coîncidait d'ailleurs avec le festival Quai du Polar à Lyon. Impressionnant !

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Pierre Burssens

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04/04/2017