La Vallée du Diable

Scénario, dessins et couleurs : Anthony Pastor

Casterman

Les tempêtes

Nouvelle-Calédonie, 1925. Loin de leur Savoie natale, qu'ils ont fuie aux lendemains de la guerre, Blanca, Florentin, Pauline et Arpin ont fini par s'établir aux Antipodes. Mais cette nouvelle vie dans les colonies ne satisfait pas leur rêve de justice sociale et de liberté. Et, alors que l'air se fait de plus en plus irrespirable, qu'une tempête approche, les tensions entre colons, kanaks et anciens bagnards atteignent leur paroxysme.

L'impressionnant Le Sentier des Reines avait révélé, voici deux ans, tout le talent d'Anthony Pastor, mais on ne s'attendait pas forcément à retrouver les principaux protagonistes de cette histoire dans cette suite qui prend place cinq ans après leur départ de la France, en Nouvelle-Calédonie, et sous un soleil écrasant. Accueillis par un colon australien, les savoyards se débrouillent comme ils peuvent. Leur hôte d'un temps porte souvent le regard sur Pauline, qui a pourtant fini par épouser Arpin. Sa fille, elle, tente de séduire Florentin. Blanca garde la maison mais perçoit peu à peu les tensions et inégalités qui sous-tendent cette société en devenir. et la gangrènent en même temps.

A l'image des conditions climatiques qui baignent son histoire, Anthony Pastor signe un scénario à l'atmosphère tendue et étouffante. On découvre progressivement de quelle manière a évolué ce petit groupe de personnages, et l'espoir que l'auteur laisse entrevoir au lecteur quant à un meilleur comportement d'Arpin, notamment, est rapidement déçu. Contrairement au Sentier des Reines qui, malgré son âpreté, laissait respirer un souffle de liberté, tout, dans cette bien nommée Vallée du Diable, ne peut que déboucher sur un drame.

En 120 pages, Anthony Pastor s'octroie l'espace nécessaire pour transmettre cette dureté omniprésente et la violence qui va en résulter, parallèlement à celle des éléments déchaînés. Son trait s'est encore précisé depuis l'album précédent ce qui lui permet de limiter ses dialogues pour laisser "parler" son dessin. Ce dernier raconte beaucoup, et les planches dites "muettes" hurlent au coeur des tempêtes qui ravagent les terres et les hommes dans la Vallée du Diable.

 Pour certains des personnages principaux, l'aventure se soldera par un retour en Savoie, et on verrait bien s'y dérouler un troisième volet de cette histoire, à la veille de la deuxième guerre mondiale...  Isabelle Merle, historienne au CNRS, a accompagné l'élaboration du projet et signe un intéressant dossier qui complète ce très bel album et resitue le contexte historique du récit.