Libertalia

Tome 2/3 : Les murailles d'Eden

Scénario : Fabienne Pigière, Rudi Miel
Dessins et couleurs : Paolo Grella

Casterman

Utopie sous tension(s)

Libertalia est-elle née en 1697, à Madagascar, de l'imagination de Daniel Defoe ou de la folie de deux hommes en rupture avec leur époque ? Dans la colonie pirate de toutes les utopies, ténèbres et lumières s'affrontent dans une lutte à mort sans vainqueurs ni perdants.

L'Eden de Misson et Caraccioli se construit peu à peu. Les deux hommes voient leurs idéaux se concrétiser en un modèle de société égalitaire. Cependant, l'équilibre de cette utopie est fragile. Ils ne sont pas seuls sur l'île. De plus, la paresse naturelle des uns, la violence des autres et la résurgence d'anciennes habitudes minent peu à peu le fonctionnement de la colonie. Alors que Misson reprend la mer afin de renflouer les coffres de Libertalia, la situation s'aggrave et les réponses de Caraccioli sont insuffisantes. A la menace extérieure personnifiée par le corsaire Dalbarade lancé à la recherche de Misson s'ajoutent dorénavant les failles intérieures d'une utopie construite avec des pirates.

Fabienne Pigière et Rudi Miel continuent à jouer avec le mystère historique entourant Libertalia. Cette colonie nourrie des idées des Lumières a-t-elle véritablement existé ou est-elle née de l'imagination de Daniel Defoe, l'auteur de Robinson Crusoé ? Quoi qu'il en soit, l'aventure est belle et alimente un scénario à la construction classique mais prenante. Le tome précédent surprenait par l'idée même de ce lieu associant flibuste et idées humanistes, et dans Les murailles d'Eden, les auteurs nous font partager sa concrétisation, sa vie et son destin (que l'on imagine tragique pour la suite). Les tensions s'y exacerbent peu à peu et les idéaux vacillent face aux vieux démons de la population.

Le dessin de Paolo Grella, par ses personnages expressifs ou inquiétants, traduit aisément les heurts qui agitent de plus en plus souvent Libertalia. Mais il excelle aussi à nous offrir de forts belles images de mer et de bateaux. Nous sommes dans une BD d'aventure et si Libertalia possède sa propre originalité, la série respecte aussi tous les codes du genre.

L'album précédent s'avérait séduisant, et ce deuxième opus confirme toutes ses promesses. Gageons que Les chemins de l'enfer, tome 3 déjà annoncé, soit de la même veine, et les auteurs auront signé un fort beau triptyque.