Auracan » chroniques » Le rapport W : Infiltré à Auschwitz
Le rapport W : Infiltré à Auschwitz, par Gaétan Nocq (Daniel Maghen)

Le rapport W

Infiltré à Auschwitz

Scénario, dessins et couleurs : Gaétan Nocq

Daniel Maghen

947 jours

Witold Pilecki, capitaine de cavalerie, membre de l’armée secrète polonaise, volontairement interné au camp d’Auschwitz en septembre 1940 sous la fausse identité de Tomasz Serafinski raconte sa mission : organiser dans le camp un réseau de résistance pour créer un soulèvement. Menacé d’être démasqué par les SS, il s’évade du camp en avril 1943. Pendant ce séjour en enfer, Witold rédigera plusieurs rapports pour l’armée secrète polonaise en attendant, en vain, l’ordre du soulèvement. Il sera l'un des premiers à communiquer les horreurs perpétrées à Auschwitz aux Alliés.

Témoignages, essais, documentaires, romans, BDs...peut-être n'aura-t-on jamais fini de découvrir l'innomable commis dans les camps de concentration et d'extermination nazis. Ainsi, c'est à une histoire peu connue en Europe de l'ouest que Gaétan Nocq s'est intéressé pour réaliser Le rapport W. Witold Pilecki, membre de l'armée secrète polonaise, parvint ainsi, infilté à Auschwitz, à y constituer un réseau de résistance regroupant près de 300 membres. Une mission folle, aux risques inouïs, qui resta pourtant sans suite, faute d'aide extérieure. Sentant le danger se préciser, Pilecki -sous la fausse identité de Serafinski dans le camp- parvint à s' en évader.

Si l'on a été un minimum informé des conditions de (sur)vie inhumaines des prisoniers dans les camps, chaque témoignage les précise et en réveille l'horreur. Le rapport W apporte à son tour une pierre ensanglantée à l'édifice. Pourtant, et c'est l'un des aspects remarquables de cet imposant roman graphique, l'auteur reste au plus près du document qui donne son titre à l'ouvrage et fait preuve, dans sa mise en images, de beaucoup de retenue et de sobriété. Plusieurs séquences décrivent ainsi des souvenirs de Witold, s'attardent sur des objets, sur la nature, frôlent parfois l'allégorie comme pour replonger davantage le lecteur, deux pages plus loin, dans fa froideur et la cruauté du quotidien des prisonniers...et résistants en devenir.

Le rapport W est prenant, de la première à la dernière case. Parce que cette histoire semble incroyable et est aussi étonnante que réelle, et dépasse de la fiction.

Peut-être aussi parce qu'il s'agit d'une aventure humaine dans un enfer dont l'humanité semble absente. Gaétan Nocq met aussi en avant, par certaines scènes, la normalité supposée de la situation pour les nazis. Notamment quand Pilecki et certains prisonniers doivent aménager une cuisine dans la maison d'un officier SS, ou créer un jardin pour le commandant du camp.

Formé aux carnets de voyage et de reportage, Gaétan Nocq développe graphiquement son récit en utilisant de grandes surfaces de couleurs à l'acylique sur lesquelles il dessine personnages et décors aux crayon et crayons de couleurs. L'album est majoritairement traité dans des nuances de bleu et de rouge. Son dessin, réaliste à la base, revêt un agréable aspect stylisé, allant parfois jusqu'à frôler l'abstraction, ce qui conduit ses planches à s'approcher davantage d'une oeuvre peinte plutôt que d'un traditionnel rendu BD. Comme de coutume chez cet éditeur, l'album est fort soigneusement réalisé. Il est complété par des aquarelles réalisées par l'auteur lors de plusieurs visites à Auschwitz et par un dossier historique rédigé par Isabelle Davion, Maîtresse de conférences à l'Université de La Sorbonne. L'historienne a fait découvrir le rapport Pilecki à l'auteur et a suivi toute l'élaboration de cet ouvrage auquel il est impossible de rester indifférent.


Partager sur FacebookPartager
Pierre Burssens

A noter que La galerie Daniel Maghen dédie une exposition à  Didier Cassegrain pour Nymphéas noirs (éd. Dupuis) et Conan, Les Clous rouges (éd. Glénat, à paraître), et Gaétan Nocq pour Le Rapport W (éd. Daniel Maghen), jusqu'au 20 juillet 2019.

Du même auteur :

, par Gaétan Nocq

Pour en savoir plus : Le blog de Gaétan Nocq

24/06/2019