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Jusqu'au dernier, par Jérôme Félix, Paul Gastine (Grand Angle)

Jusqu'au dernier

Scénario : Jérôme Félix
Dessins et couleurs : Paul Gastine

Grand Angle

Colères

L’époque des cow-boys tire à sa fin. Bientôt, ce sont les trains qui mèneront les vaches jusqu'aux abattoirs de Chicago. Accompagné de Benett, un jeune simplet de 20 ans, Russell a décidé de raccrocher ses éperons pour devenir fermier dans le Montana. En route, ils font halte à Sundance. Au petit matin, on retrouve Benett mort. Le maire préfère penser à un accident plutôt qu’à l'éventualité d'avoir un assassin parmi ses concitoyens et chasse Russell de son village. Mais le vieux cow-boy revient à la tête d'une bande d'Outlaws pour exiger la vérité sur la mort de Benett…

La fin justifie les moyens, et peut-être est-ce le moteur de certains des personnages mis en scène par Jérôme Félix et Paul Gastine dans ce remarquable western. Les cow-boys sont à un tournant (le dernier ?) de leur histoire, et leur avenir pour le moins incertain les entraîne à emprunter des chemins parfois sombres et cruels. Pour d'autres, avec l'arrivée du chemin de fer, c'est le développement économique de leur ville qui est en jeu, et ils sont prêts à se salir durablement les mains au nom de ce progrès...

Les auteurs situent leur histoire dans un Ouest en mutation. Avec le rail, ce sont un peu les temps modernes qui arrivent, et les convoyeurs de troupeaux sont rapidement relégués au passé. De ce contexte, Jérôme Félix tire une tragédie à la dimension bien humaine et dans laquelle la colère est un des leviers de l'action. On ne trouve finalement pas vraiment de bons ni de mauvais dans Jusqu'au dernier, mais plutôt des protagonistes animés par des intérêts différents et opposés, certains entraînant la perte d'autres...

Le lecteur est ainsi rapidement captivé par l'histoire. On croit le genre épuisé, et pourtant le western fascine toujours et semble avoir le pouvoir de se recréer. Après un début classique, le scénario nous emmène sur des chemins inattendus et la perception que nous avions des qualités de certains personnages est remise en question au cours d'une histoire sombre et violente mais particulièrement bien construite. En une septantaine de pages, toutes les questions posées trouvent leur réponse alors que les acteurs voient leur destin basculer.

A ce succès scénaristique s'ajoute une réussite graphique. Il aura fallu trois ans aux auteurs de L'héritage du diable pour que le projet de ce western trouve son aboutissement, et on le comprend quand on découvre le travail effectué par Paul Gastine. Le dessinateur n'a pas tenté de s'inscrire dans le style de tel ou tel maître du genre mais plutôt de redécouvrir le western à travers son propre regard et sa documentation, et s'il évite les effets inutiles, le résultat n'en est pas moins somptueux. Un trait qui excelle également à restituer l'humanité (ou le manque de celle-ci...) des personnages.

En refermant l'album, on ne peut que se dire qu'une page s'est effectivement tournée dans l'histoire de l'Ouest, définitivement pour les personnages principaux. Et on mesure aussi toute la portée du titre de ce one-shot qui exige le détour !

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Pierre Burssens
12/11/2019