Opération Vent printanier
Tome 2
Scénario : Philippe Richelle
Dessins : Pierre Wachs
Couleurs : Domnok
Casterman
Plus jamais ça...
Il aura fallu attendre le 16 juillet 1995, à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, pour que le Président de la République Jacques Chirac reconnaisse solennellement la responsabilité des Français et de l’État français dans la déportation des Juifs de France. Philippe Richelle et Pierre Wachs racontent – comme à leur habitude par le menu quotidien – la rafle du Vel d'Hiv, cet épisode durant l’Occupation qui n’est pas un détail de l’Histoire de France, mais une page peu glorieuse qui ne doit jamais être oubliée.
Dans ce second tome, les tranches de vie évoquées dans l’épisode précédent se rejoignent autour des événements du 16 juillet 1942 et prennent un tour dramatique. Les autorités françaises ont en effet choisi d’organiser elles-mêmes la déportation des juifs. À Paris, elles embarqueront 13.000 juifs dont 4.000 enfants qui attendront au camp de Drancy et au Vélodrome d’Hiver de partir pour les camps d’extermination principalement d’Auschwitz…
On retrouve donc la jolie Charlotte qui s’est liée à Walter un jeune soldat allemand homosexuel, son père Émile gardien de la paix écœuré par les ordres qu’il reçoit, son cousin Charles opportuniste partisan de Marcel Deat à l’extrême droite de l’échiquier politique, son ami juif Lucien dont les parents se sont déclarés sur le fichier Tulard et qui va devoir fuir avec sa jeune sœur en zone libre pour échapper à la rafle, sa copine Jacqueline qui tente de vivre comme avant.
Au fil des pages, on sent monter la colère face à tant d’indifférences devant l’aryanisation de l’économie ou l’épuration d’une partie de la population juive, communiste ou homosexuelle, de collaborations nauséabondes et de délations vengeresses, d’hystéries collectives ou de retournements individuels de veste. Non pas que Philippe Richelle réalise un album à charge. Son tableau est plus subtil. Il n’oublie pas les petits gestes héroïques de résistance. En suivant les itinéraires de gens ordinaires, il interpelle sur des situations d’apparence banales où chacun devrait se demander quelle option il choisirait.
Sur fond de décors photo-réalistes, Pierre Wachs peint les protagonistes de ce diptyque avec un soin marqué, d’ailleurs souligné par un encrage épais. L’ensemble sobrement mis en couleurs par sa compagne Domnok assure une grande crédibilité au récit et donne à réfléchir pour que ceci n’arrive plus jamais.
Mission remplie avec tact.