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Entretien avec François Maingoval

François Maingoval (c) Marc Carlot 2005

Après le fantastique (Ada Enigma) et le thriller (Barbara Wolf), François Maingoval s'attaque au récit d'anticipation. Lovely Trouble est une histoire qui nous plonge dans un monde totalitaire où les individus prennent quotidiennement une pilule, la pilule du bonheur, qui leur garantit une vie sans stress, sans déprime, sans maladie… mais aussi sans pulsions sexuelles et amoureuses.

Comment est né Lovely Trouble ?
L'idée de ce projet est née il y a environ cinq ans. Cela s'appelait Lovely Planet , jusqu'il y a peu, en clin d'œil à Lonely Planet. J'avais proposé, sans succès, ce sujet à une série de dessinateurs, jusqu'au jour où Brieg Haslé, journaliste collaborant notamment à auracan.com, m'a présenté son ami Franckie Alarcon. J'ai tout de suite flashé sur son graphisme. Il correspondait parfaitement à ce que je recherchais pour cette histoire. Comme le thème était assez vaste, j'avais pensé le développer sous la forme d'une série. C'est donc d'abord sous ce format que le projet est arrivé sur le bureau de Paul Herman, le directeur éditorial de Glénat Bénélux. Il s'est montré intéressé et il m'a proposé de l'intégrer dans la collection Carrément 20 x 20, ce qui m'a fort emballé. Nous avons donc remanié le tout pour coller à ce format particulier et à la pagination nettement plus conséquente. De son côté, Franckie étant un jeune dessinateur sans album à son actif, il lui a été nécessaire de peaufiner son trait avant d'obtenir le feu vert de Jacques Glénat et réaliser les 120 pages de cet album. Entre la rencontre avec le dessinateur et l'album publié, se sont écoulés deux ans et demi environ.

Lovely Trouble

On sent que vous auriez pu encore compléter le récit sans longueur tant le sujet est vaste…
Effectivement, j'aurai pu développer cette histoire sur 180 pages facilement. Il y a d'ailleurs toute une série de choses qui étaient dans mon synopsis et que j'ai, soit seulement effleurés –comme le « Paradis »-, soit complètement supprimées, dans le récit final. Ce sont des éléments que je pourrais reprendre dans une version romanesque, ou si je me lance dans un prolongement de cet univers futuriste.

Vous avez placé l'univers de Lovely Trouble dans une dizaine de siècles, mais certains aspects ne sont pas si loin de ce qu'on connaît aujourd'hui ou de ce qu'on pourrait connaître d'un avenir proche. Je pense par exemple à implantation de puce électronique dans le corps humain…
En Australie, tous les employés de banques et les militaires ont des puces implantées sous leur peau . Ce sont des puces plus petites qu'un grain de riz. Elles permettent de traquer les personnes qui en sont dotées dans tous leurs déplacements. Ce n'est donc plus totalement de la science-fiction. Il est possible que certaines choses que je décris dans l'histoire arrivent dans cinquante ou cent ans. Bientôt toutes les voitures seront équipées d'un GPS, ce qui permettra d'en suivre le déplacement sur la planète. On peut également traquer les GSM en fonction de l'antenne sur laquelle ils sont enregistrés. Ce qui pourrait être utilisé pour envoyer de la publicité ciblée de commerces qui se trouvent à quelques centaines de mètres du GSM ainsi localisé. Finalement, les gens auront de moins en moins de vie privée…

Certains diront que ça leur est égal car ils n'ont rien à cacher…
Je pense qu'on a tous des choses à cacher, même si c'est anodin. Je ne pense pas que tout le monde souhaite divulguer ses opinions politiques ou religieuses, par exemple. Il y a aussi des informations sur les individus qui, dans un monde démocratique, n'auront pas d'effet négatif, tandis que si le régime change, elles pourraient être utilisées à des fins moins sympathiques. Souvenez-vous durant la seconde guerre mondiale, les Allemands étaient très intéressés de connaître les abonnés à des revues juives, par exemple. Une information qui n'est pas sensible à un moment peut le devenir beaucoup plus tard lorsque les circonstances changent.

Vous évoquez dans le récit des extrémistes appelés les Molapaps…
On devine que ce mot résulte de la jonction des mots Mollah et Pape. Ce qui signifie que je mets sur le même pied tous les intégristes. Ce qui nous menace probablement le plus actuellement ce sont les extrémistes de tous bords.

Dans Lovely Trouble, on a trois camps : le gouvernement, les Molapaps et les rebelles…
Aucun n'est vraiment tout noir ou tout blanc. Le pouvoir via la pilule du bonheur inventée par Martov espérait faire le bien des gens , mais sans leur demander leur avis . Les rebelles ne sont pas contents des agissements du gouvernement, mais ils n'hésitent pas à tuer de manière sauvage. Ils sont pourtant animés de bonnes intentions. Ils sont cultivés. Mais quand on touche à leurs valeurs, ils ne le supportent pas. Les Molapaps ont des croyances religieuses. Ils estiment que se balader le nez à l'air ce n'est pas décent, mais ils ne sont pas forcément mauvais. J'aurais voulu montrer plus complètement comment le gouvernement arme un des deux autres camps pour combattre l'autre. Attendant que les deux ennemis s'entretuent pour balayer les survivants.

Avez-vous prévu une nouvelle collaboration avec Franckie Alarcon ?
Nous avons un projet de série. C'est un concept nouveau que nous voudrions mettre en place. Je ne peux malheureusement pas en dire plus pour l'instant.

Jacques Martin a aussi annoncé votre reprise d'Alix et d'Orion.  Où en êtes-vous ?
Je viens de terminer mon premier scénario d'Alix, C'était à Khorsabad. Cédric Hervan en dessine actuellement les planches. C'est planifié pour septembre 2006. Je suis occupé pour l'instant à écrire un épisode d'Orion, qui s'appellera Le Roi des rois . Je travaille sur base de scripts écrits par Jacques Martin, que je rencontre régulièrement. Je lui lis mes textes, et il me donne son avis et ses suggestions. Il approuve mon travail. C'est aussi une garantie de garder l'empreinte du créateur dans la série. J'ai beaucoup de chance de collaborer avec lui.

D'autres projets en cours ?
A côté de cela, je m'attelle à l'écriture d' une histoire, orientée vers le fantastique, intitulée La dernière carte , pour une jeune dessinatrice de grand talent , Hélène Lenoble.
J'ai encore des tas d'autres projets, à des stades plus ou moins avancés mais ce serait trop long de vous en parler maintenant.

Propos recueillis par Marc Carlot en novembre 2005.
Copyright © Marc Carlot / Auracan.com 2005
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Photo de François Maingoval © Marc Carlot
Visuels Lovely Trouble. © Maingoval, Alarcon, Glénat


Quelques albums de François Maingoval sur le site :

Barbara Wolf T3 Ada Enigma T3

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Marc Carlot
01/12/2005