Entretien avec Olivier Petit
"Tous les sujets, sans aucune exception, peuvent être adaptés en Docu-BD"
Pas besoin d'une boule de cristal pour prédire que la BD documentaire ou didactique constituera à nouveau une tendance de 2018, alors que Dupuis lance sa collection Le fil de l'Histoire raconté par Ariane et Nino, rejoignant, dans un rayon voisin, La petite bédéthèque des savoirs (Le Lombard) ou encore Sociorama (Casterman). Or, depuis 20 ans, un éditeur de Rouen associe BD et documentaire dans ses...Docu-BD, appliquant le concept à des thématiques très diverses. Les Rolling Stones, le guide de Paris en BD ou encore Bruxelles sont trois titres récents des éditions petit à petit que nous avons pu découvrir dernièrement. A chaque fois, le résultat était aussi intéressant qu'attrayant. Olivier Petit, fondateur et directeur des éditions petit à petit nous parle de ce concept et de son évolution.
Comment et quand sont nées les Éditions petit à petit et disposiez-vous, dès le départ du concept des Docu-BD qui constituent, aujourd’hui, la plus grande part de votre catalogue ??
Olivier Petit : En 1997. Oui, mes premiers albums consacrés aux chanteurs puis aux poètes étaient des collectifs qui respectaient le texte intégral tout en racontant une histoire en BD, enrichie d’une partie documentaire qui séquençait l’ouvrage. Et notre tout premier album était précisément un premier collectif, déjà sous forme de Docu-BD, consacré aux chansons de Boris Vian
Quelle est votre définition du Docu-BD ?
Le Docu-BD traite un sujet (qui peut être historique, artistique, musical, sportif, scientifique, journalistique, etc.) en le rendant le plus accessible et intéressant possible grâce à la bande dessinée (narration et dessin) et en lui offrant un prolongement par une partie documentaire ludique. Tous les sujets, sans aucune exception, peuvent être adaptés en Docu-BD.
Actuellement, la BD dite didactique ou documentaire est en vogue, quel regard portez-vous sur cette tendance et comment vous situez-vous par rapport à cela ?
Je porte un regard passionné sur cette tendance pour l’expérimenter depuis 20 ans. J’aime le travail de mes confrères et je situe le nôtre par une approche moins élitiste et donc plus grand public, aussi bien par le choix des sujets que dans leur traitement BD et documentaire. J’aime aussi beaucoup les Mooks qui ont eu un rôle primordial dans le développement de ce genre.
Un extrait documentaire savoureux pour les Contes africains en BD |
En tant qu’éditeur, comment gérez-vous les deux aspects documentaire et BD et comment accordez-vous les différents intervenants ?
La BD doit s’appuyer sur le travail de recherches documentaires tout en gardant l’objectif de raconter une histoire. Une histoire avec un début, un milieu et une fin. Non, une super fin ! Une fin qui laisse le lecteur sidéré : « c’est dingue cette histoire, je ne savais pas cela ! »
La collection consacrée aux villes, l’histoire dans l’Histoire, semble un projet particulièrement ambitieux. Pouvez-vous nous en parler ?
Les habitants vivent et déambulent dans les villes sans en connaître forcément l’histoire. Et dès qu’on leur raconte une anecdote sur un lieu qu’ils pensent connaître, ils sont émerveillés. Nous avons choisi, à l’instar du docu-fiction télévisé, d’intégrer une fiction avec des personnages et un fil rouge dans un récit qui prend forme dans la réalité des faits, des dates et des grands personnages de la ville. En nous appuyant sur les recherches des historiens et des archéologues (qui bien souvent participent activement à la partie documentaire), nous offrons une découverte passionnante de la ville et de son histoire. Nous intégrons des objets retrouvés qui sont exposés dans les musées, nous mettons en scène des vestiges, nous faisons revivre des lieux… avec pour seul but de donner envie d’aller sur place pour voir et en savoir plus !
Le Havre T.2 - extrait |
Les auteurs (historiens et auteurs BD) qui y participent sont-ils originaires des villes évoquées ?
L'équipe des éditions "petit à petit" (il pleut parfois en Normandie...) |
Oui, nous essayons de faire participer le plus d’auteurs et d’acteurs locaux. C’est leur ville et ils sont les mieux placés pour transmettre au lecteur leur ressenti. Quand il n’y en a pas, nous proposons les récits à d’autres dessinateurs dont le style reste cohérent avec l’ensemble de l’album.
Pour certains titres, vous visez notamment un lectorat scolaire. Parallèlement à cela, les albums consacrés aux villes bénéficient-ils d’une promo ou d’une mise en place particulière dans les villes concernées (offices du tourisme, musées, endroits cités…) ?
Nous visons tous les lectorats et il n’est pas rare que des personnes d’un certain âge nous avouent lire leur première BD et découvrir des faits qu’ils ne connaissaient pas. Quant aux enfants, c’est évidemment le voyage dans le temps qui les émerveille. Bien entendu nous essayons de commnuniquer la passion de nos albums dans la presse régionale et dans tous les lieux touristiques et culturels.
Bruxelles T.1 - extrait |
Le Guide de Paris en BD est particulièrement impressionnant par le nombre d’informations qu’il renferme et par le nombre d’auteurs qui y ont participé. Comment avez-vous abordé et géré sa réalisation ?
J’ai voulu raconter les grands monuments de Paris par le biais de l’anecdote. Comme le ferait un véritable guide ou un professeur d’histoire, j’ai souhaité susciter l’intérêt en racontant une histoire. Et tant qu’à être à un endroit précis, nous avons aussi présenté dans la partie documentaire ce qu’il y avait d’intéressant à voir aux alentours du monument, tel un vrai guide de voyage. Libre après aux lecteurs de chercher à en apprendre davantage. Une fois cette ligne éditoriale bien établie, les auteurs ont pu se mettre au travail.
Dernier paru, le Guide de 14-18 en BD est encore différent côté bande dessinée… Pouvez-vous nous le présenter ?
Ce guide permet au lecteur de découvrir l’étendue du conflit en France, de la mobilisation jusqu’à la disparition du dernier poilu à travers une fiction poignante des auteurs F. Chabaud et J. Monier. Chaque grand moment raconté dans la bande dessinée est enrichi de séquences documentaires permettant d’avoir des précisions sur le récit et la possibilité de découvrir les lieux de mémoire encore visibles s’y rapportant. Cet ouvrage s’inscrit lui aussi dans notre volonté de toujours donner envie d’en savoir plus, ou comment apprendre en se passionnant…
Propos recueillis par Pierre Burssens le 15 février 2018
Tous droits réservés. Reproduction interdite sans autorisation préalable.
© Pierre Burssens / Auracan.com
Visuels © les auteurs / petit à petit
Photos © D.R. / petit à petit