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André Taymans

Après avoir publié de nombreux albums destinés à un jeune public avec des séries comme Bouchon ou Charlotte, André Taymans dessine aujourd'hui des séries plus adultes. Evoquant les années 1930 des Filles d'Aphrodite et les enquêtes contemporaines de son héroïne Caroline Baldwin, l'auteur nous fait le plaisir de prendre le temps de parler de son actualité et de ses projets.

Caroline Baldwin - T8: La Lagune

La Lagune, le huitième album de Caroline Baldwin est récemment paru. Comment le présenterais-tu ?
Il s'agit de la suite du précédent. Caroline travaille, contrainte et forcée, pour une société d'assurances. Elle est chargée de payer la rançon d'un banquier enlevé par des rebelles birmans. Une fois encore, elle est témoin d'une vaste machination sans vraiment pouvoir contrôler les événements. Elle n'en ressortira pas sans séquelles…

La fin de cet album appelle une suite…
L'intrigue en elle-même est conclue, mais sa fin me permet de rebondir sur le prochain tome. Il s'agira d'un album indépendant mais qui est dans la continuité du vécu de mon héroïne. J'ai choisi un thème un peu bizarre : cette histoire qui va se passer au Népal sera teintée de science-fiction. Je m'inspire de l'affaire des extra-terrestres de Rosswell. Caroline va rencontrer un personnage qui était vigile dans le lieu où auraient été entreposés les restes du vaisseau spatial. Muté à l'ambassade américaine de Katmandou, il désire faire connaître à des scientifiques une petite pièce dont il s'était emparé. Par hasard, Caroline va se retrouver au centre de cette affaire…

D'où te vient cette envie de raconter les aventures de cette héroïne qui est toujours prise dans des situations peu courantes ?
Il faut bien faire des histoires ! Je ne le pourrai pas si elle était mère au foyer (rires). Caroline est une sorte de prétexte. Elle me permet, au sein d'une série récurrente, de concevoir des one-shots. Selon les albums, les tons sont différents, je passe ainsi du thriller à des récits intimistes. Caroline est le trait d'union entre ces différentes ambiances. Au fil des tomes, je cherche à étoffer son profil psychologique. La fiction pour elle-même ne m'intéresse pas. J'avais l'envie de développer un personnage à différents niveaux, surtout psychologique. J'ai profité d'histoires réalistes pour développer le personnage. Les trois premiers tomes faisaient 64 pages et convenaient bien pour cela. Mais j'ai dû passer à des albums de 46 pages, et j'ai plus de mal à allier fiction et psychologie dans ce format. C'est pour cela que je développe sur deux tomes certaines histoires.

Caroline Baldwin

Pourquoi avoir choisi une femme comme héros ?
C'est le hasard le plus total. En fait, après avoir fait Bouchon et Charlotte avec des scénaristes, j'étais un peu coincé dans une image BD jeunesse, et j'ai voulu raconter mes propres histoires. J'ai pensé faire un one-shot pour parler de la déprime d'un astronaute. En discutant avec Casterman, on s'est rendu compte qu'on pouvait en tirer une série. Ça a donné le premier tome de Caroline Baldwin. Dans cet album, il y avait une détective privée qui tenait un rôle secondaire. Elle n'avait même pas de nom. J'ai étoffé son rôle. Pour en faire l'héroïne de la série, j'ai essayé de rendre sa personnalité assez forte d'où son penchant pour la boisson par exemple. Elle se veut dure, elle veut donner l'image de quelqu'un de fort. C'est une femme de tête, mais elle est fragile. Je ne désirais pas en faire une potiche stéréotypée : c'est pour cela qu'elle est brune et pas blonde. Je voulais un personnage qui ait une culture riche : je l'ai fait métissée, elle est indienne, francophone par sa mère, de culture anglo-saxonne par son père. Cela me permet de jouer sur plusieurs tableaux.

La fin de l'album Absurdia amène un coup de théâtre…
On apprend qu'elle pourrait avoir été contaminée et être séropositive. Elle va devoir vivre avec, c'est une contrainte qui ouvre des horizons plus insolites au niveau narratif. J'ai eu cette idée en réalisant la dernière planche de l'album. C'était à un moment où les choses ne tournaient plus chez Casterman, juste avant le rachat par Flammarion. J'ai même pensé la tuer pour arrêter la série. J'ai préféré opter pour cette solution mais en me gardant une porte de sortie : le lecteur ne sait pas si elle est réellement séropositive. Mais je ne voudrai pas que cela apparaisse comme un effet d'auteur… Elle est contaminée mais je ne sais pas où cela va la mener.

Ex Libris : Caroline Baldwin

Comment raconte-t-on le destin d'une femme en tant qu'auteur homme ?
Je n'ai absolument pas de réponse ! Des lectrices me disent qu'elles apprécient, que cela leur paraît crédible. Elles sont heureuses que je ne fasse pas de Caroline une femme soumise, une sorte d'icône sexuelle pour machos.

Voyages-tu autant que Caroline ?
Presque tous les endroits où passe Caroline sont des lieux que je connais. J'aime bien retranscrire ce qui m'a marqué lors de mes voyages. La Lagune, se déroule en Thaïlande et au Laos. Je suis allé de nombreuses fois en Asie. Le prochain album se passe au Népal où j'étais en novembre dernier durant un mois. Le tome suivant sera au Québec. Mais ce ne sont pas les lieux qui motivent mes albums. Ce sont les envies d'histoires, de thèmes que je souhaite aborder.

Autre série, Les Filles d'Aphrodite. Pourquoi cette trilogie scénarisée par Corine Jamar ?
A l'époque, j'étais plus ou moins libre. Je ne savais pas trop ce qui allait se passer chez Casterman. C'était une opportunité de faire quelque chose de différent de Caroline Baldwin. L'idée de ces deux femmes qui ouvrent une agence matrimoniale à New York dans les années 1930 m'a bien plut. C'est la scénariste qui m'a appelé. Henri Filippini, le directeur de la collection Bulle Noire, avait envie de collaborer avec moi depuis un moment, ça c'est fait très facilement. Pour cette trilogie, Pierre Lamar me seconde pour dessiner les architectures et de nombreux décors. Pour bien représenter un lieu, j'ai besoin d'y avoir été, de l'avoir senti et compris. Ce n'est pas le cas du New York des années 1930 dont il ne reste pas grand chose.

A quand le prochain et troisième tome des Filles d'Aphrodite ?
Il paraîtra à la fin du mois d'août. Il y aurait possibilité d'une suite, mais je vais surtout me consacrer à Caroline Baldwin. Depuis que j'ai commencé ce métier, il y a une sorte de malentendu. Si je l'ai choisi, c'est pour raconter des histoires, pas pour illustrer celles des autres.

Dans le premier tome de cette série, tu rends hommage à Jacobs…
Oui, je fais apparaître Blake et Mortimer. J'habitais près de chez Jacobs, c'est le premier professionnel à qui j'ai montré mes dessins. J'étais tout jeune, pas encore dans la section BD de Saint-Luc. Quand je vois les planches de cette époque, je les trouve abominables ! Il m'a conseillé plus de rigueur dans mon travail.

Justement, comment qualifierais-tu ton travail ? Ligne claire ? Réalisme ?
C'est une sorte de mixe entre Tillieux et Hergé qui sont mes premières influences. A mon avis, Tillieux est celui qui a le mieux fait la synthèse entre l'Ecole de Bruxelles (Hergé, Jacobs…) et l'Ecole de Marcinelle (Franquin…).

Esquisses pour Caroline Baldwin - Editions Point Image - JVDH

Tu collabores à une autre série, Mac Namara
Casterman voulait lancer un axe plus grand public. Dans cette optique, on a créé la série avec Patrick Delperdange au scénario et Bruno Wesel qui est mon coloriste sur Les Filles d'Aphrodite et Caroline Baldwin. Nous étions ensemble à Saint-Luc. Depuis toujours, il veut faire de la BD. Comme une sorte d'écolage, je lui ai proposé de travailler ensemble sur Mac Namara. Il dessine l'album au crayon, je me charge de l'encrage et lui de la couleur. Ceci explique que le trait final a un petit côté André Taymans. Il va sortir une série humoristique d'après les jeux éducatifs Les Incollables. Il signe seul le dessin, et je co-scénarise la série avec Corine Jamar.

La série Mac Namara se poursuit-elle ?
Rien n'est prévu pour le moment. De mon côté, j'avais dit que je n'en faisais que deux.

As-tu d'autres projets ?
En plus du troisième Filles d'Aphrodite qui sort en août et du neuvième Caroline Baldwin prévu pour janvier, je prépare un one-shot de 80 pages, en noir et blanc, pour la collection Romans de Casterman. Cette histoire, Assassines, est scénarisée par Patrick Delperdange. Mais ce sera totalement différent de ce qu'on connaît de lui. Pour le moment, il a signé Mac Namara et S.T.A.R. qui sont des commandes de l'éditeur qui voulait des séries de ce genre. A l'origine, Patrick est un romancier qui a fait d'excellents polars très noirs comme Coup de froid. Il m'a écrit un polar adulte, noir, à connotation un peu fantastique. Je crois que les lecteurs vont être surpris. Il devrait paraître en septembre 2003.

C'est étonnant de comptabiliser ta production. En 12 ans, tu as signé 27 albums. Prolifique…
Je suis un dessinateur rapide, je fais deux albums par an. Je suis incapable de passer des semaines sur la même planche. En moyenne, je réalise une page par jour, encrage compris. Je peux faire un album en trois mois. Il est vrai que, si je rouvre l'album après, je constate des choses que je n'aurai pas dû laisser passer. Mais je considère le premier jet comme le plus expressif. D'album en album, j'ai l'impression que mon trait s'améliore doucement. Le dessin n'est pas capital à mes yeux. Il doit être lisible, expressif, il est là pour faire passer le message. En tant que lecteur, j'ai envie de lire une histoire avant toute chose. Le dessin doit être au service de l'histoire, et non le contraire.

Caroline Baldwin

Propos recueillis par Brieg F. Haslé en juin 2002
© Auracan 2002

Remerciements à Marylène et Alain Noblet de la librairie Ty Bull de Rennes (http://tybull.free.fr).

Illustrations © André Taymans, Casterman - Les croquis sont extraits du carnet d'esquisses publiés par Point Image - JVDH : (Renseignements : Editions JVDH - 589, rue du Pommier - B-1070 Bruxelles - Belgique)

Egalement sur le site :

Caroline Baldwin - T6: Angel Rock Caroline Baldwin - T8: La Lagune Mac Namara - T1: Glore à Satan Les Filles d'Aphrodite - T2

En avant-première : les trois premières planches de Caroline Baldwin - T9 (à paraître en janvier 2003)

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