Sykes

Scénario : Pierre Dubois
Dessins : Dimitri Armand
Couleurs : Dimitri Armand et Sébastien Gérard

Le Lombard, collection Signé

Le prix du sang

Lorsque « Sentence » Sykes pose le premier sabot dans ses collines natales, le jeune Jim Starret reconnaît immédiatement une légende de l'Ouest, digne des illustrés avec lesquels il a appris à lire. Mais son nouveau héros n'est pas là lorsque la redoutable bande des Clayton assassine sa mère sous ses yeux. Dès lors, Jim n'a plus qu'une obsession : rejoindre Sykes et participer à la traque. Il a déjà payé le prix du sang. Il ignore encore que ce sont ses démons qui forgent une légende du far-west...

Ce sont des signatures imprévues que l'on découvre en couverture de cet excellent western. Pierre Dubois est en effet plus connu pour sa passion elficologique, ses multiples ouvrages consacrés au petit peuple et ses scénarios de BD se déroulant dans ces univers de légendes. Pourtant, l'auteur est depuis longtemps un passionné de westerns et le démontre ici avec brio. Dimitri Armand, de son côté, se retrouve doublement sous les projecteurs. Grâce à cet album publié dans la belle collection Signé, mais aussi via le reboot Bob Morane Renaissance dont le premier album, Les Terres rares, sur un scénario de Luc Brunschwig et Aurélien Ducoudray s'avère plus que prometteur.

Sykes déroule une trame classique. Shérif qui semble invincible, truands sans foi ni loi, mythe du tireur le plus rapide, duels, saloon, traque, chevauchées, embuscades... Bien des scènes appellent des références cinématographiques et les auteurs n'ont clairement pas cherché l'originalité. Mais Pierre Dubois tisse très finement son histoire, assemble ces épisodes pour alimenter, une fois encore, un far-west mythique et nous en décrire des images fortes. L'histoire est solide et le récit s'inscrit à la période charnière à laquelle entrepreneurs, investisseurs et politiciens pas trop nets dament peu à peu le pion aux aventuriers. En un clin d'oeil, le scénario évoque aussi le passage vers une autre définition du western... cinématographique celle-là, en mettant dans la bouche d'O'Malley, vieux complice de Sykes : "Faut dire que la tendance est maintenant au bizarre, entre ceux qui trimbalent une mitrailleuse dans un cercueil, ou te flinguent à coup d'harmonica..."

Le dessin de Dimiti Armand s'avère convainquant dans son Bob Morane, mais est ici vraiment impressionnant. Lui aussi s'est approprié les codes des grands westerns et le démontre amplement. Il nous livre une série de personnages attachants, joue sur les atmosphères et les espaces, effectue un beau travail sur l'encrage et les ombres. Son découpage rythme une histoire violente dans laquelle, à travers les yeux d'une enfant, surgissent pourtant des soupçons d'innocence. Le lecture de Moby Dick effectuée par Sykes ajoute à la dimension tragique.

Pierre Dubois et Dimitri Armand nous offrent un grand et beau western que l'on rangera sans problème dans sa bibliothèque à côté du Sans Pardon d'Hermann et Yves H., paru dans la même collection en tout début d'année.