Un tout petit bout d'elles
Scénario : Zidrou et Raphaël Beuchot
Dessins : Raphaël Beuchot
Couleurs : Raphaël Beuchot et Sarah Murat
Le Lombard
L'affaire des femmes
Yue Kiang travaille sur un site d'abattage d'arbres pour une entreprise chinoise. Malgré l'interdiction formelle de fréquenter les filles du coin, Yue s'est lié à une jeune Congolaise, Antoinette, ainsi qu'à sa fillette Marie-Léontine. Un soir, dans la couche de sa belle amie, Yue découvre la blessure intime d'Antoinette : une cicatrice terrible, comme une injure à sa féminité. Combien sont-elles comme elle, exilées de leur propre corps, victimes d'une tradition aussi monstrueuse que tenace ? Combien ? Elles sont 150 millions de par le monde. Mais qu'importe à Yue et Antoinette ces chiffres qui donnent le vertige. Seul leur importe Marie-Léontine. Que jamais la fillette ne soit, à son tour, victime de cette tradition abjecte !
C'est par l'évocation du fléau de l'excision que Zidrou et Raphaël Beuchot clôturent leur très belle trilogie africaine. En mettant en scène la relation de Yue et d'Antoinette, les auteurs abordent le problème de manière sensible et délicate. Le devenir de Marie-Léontine, la fille d'Antoinette, apporte une dose de suspense à un récit qui nous offre aussi une image très actuelle du Congo, et plus généralement de l'Afrique centrale, avec la présence d'entrepreneurs chinois sur son territoire, et la difficile cohabitation "entre jaunes et noirs".
Le sujet est grave, mais le talent des auteurs permet d'éviter toute lourdeur ou cliché larmoyant. Zidrou dresse des portraits très "humains" de ces victimes du poids des traditions. Ce n'est pas par hasard que l'un des protagonistes chinois évoque les pieds de sa grand-mère, autre type de mutilation autrefois pratiqué. Et malgré la cruauté de cette tradition autour de laquelle s'articule leur histoire, les auteurs parviennent à ménager des moments de tendresse ou même de sourire. Ne l'oublions pas, ll s'agit aussi d'une histoire d'amour entre Yue et Antoinette ! Le scénario assure aussi, discrètement, la jonction avec Tourne-disque, deuxième volet de ce beau triptyque.
Le traitement graphique de Raphaël Beuchot est à l'aune de cette délicatesse d'approche. Le dessinateur cultive le trait juste, pour un résultat qui s'apparente à la ligne claire, mais qui permet cependant de transmettre avec réussite sentiments et émotions. On s'attache ainsi aisément au doux Yue, à la belle Antoinette et aux craquants Léopold et Marie-Léontine.
Un dossier documentaire consacré aux MGF (mutilations génitales féminines) et au phénomène de l'excision en particulier complète l'album. Il comporte notamment les contacts d'organisations françaises et belges qui se consacrent à cette problématique.