Le reste du monde

Tome 4 : Les enfers

Scénario, dessins et couleurs : Jean-Christophe Chauzy

Casterman

Le Fléau

Après trois ans de survie laborieuse, dans une société dévastée et livrée à la barbarie, les trajectoires de Marie, Hugo et Jules et de leur père, vont enfin se rejoindre, au bord de la Méditerranée. Alors que le Fléau rôde, en quête de victimes, le temps est compté et nos héros ne sortiront pas indemnes de ce dernier round.

Initialement prévu comme un diptyque, Le reste du monde trouve sa conclusion avec ce quatrième tome. Publié en 2015, le premier épisode de la série avait secoué ses lecteurs par la noirceur de son thème, et surtout le rapport de celui-ci avec l'actualité. Un effet qui n'a fait que s'amplifier depuis, ce rapport se renforçant pratiquement d'un album à l'autre et donnant de plus en plus à réfléchir. Les Enfers n'échappe pas à la règle et au-delà de l'aventure de Marie, ses deux fils et du père de ceux-ci, c'est d'un retour à la barbarie que nous sommes témoins. Bandes de hors-la-loi et fanatiques religieux s'épanouissent dans un contexte dans lequel le premier objectif est la survie, une situation encore compliquée, à un autre niveau, par des jeux politiques et stratégiques.

Jean-Christophe Chauzy a pris pour point de départ de son récit une catastrophe de grande ampleur, mais celle-ci n'est-elle pas le prétexte à exacerber au maximum des dérives, des comportements, des tendances qui émergent au sein d'un monde ou d'une société en crise ? L'espoir même, qui reste à certains des personnages principaux est de traverser la méditerrannée, en dépendant de passeurs, dans un chemin inverse de celui parcouru aujourd'hui par nombre d'immigrés clandestins.

La progression des trois tomes précédents entraînait les héros de Charybde en Scylla. Le Fléau, dont les monologues rythment Les enfers, vient cette fois apporter l'estocade à ces contrées en perdition, avec un mal qui n'avait pas encore été évoqué. On désespérait d'un happy end et on ne se trompait pas, mais l'auteur ménage néanmoins une petite lueur d'espoir à la conclusion des 120 pages de ce volume.

La mise en images de Jean-Christophe Chauzy est à la hauteur de la violence de son propos. Villages en ruines, paysages dévastés évoquant parfois d'immenses décharges ou cimetières de nos biens matériels sont déclinés sur de nombreuses pages et doubles pages, avec une impressionnante précision renforcée par un remarquable apport de couleurs directes. Le chaos est omniprésent dans l'action comme dans les lieux. Espaces et épisodes paisibles se font aussi rares que précieux.

Avec Le reste du monde, l'auteur signe une oeuvre audacieuse, interpellante et dérangeante. Une série qui appelle au minimum à la réflexion, et une lecture à laquelle on ne peut rester indifférent.