Corto Maltese
Tome 15 : Le jour de Tarowean
Scénario : Juan Diaz Canales d'après l'oeuvre de Hugo Pratt
Dessins : Rubén Pellejero d'après l'oeuvre de Hugo Pratt
Couleurs : Rubén Pellejero & Sasa
Casterman
Avant le radeau...
Tasmanie, a la veille de la première guerre mondiale. Corto et Raspoutine libèrent un jeune homme, Calaboose, emprisonné sur une île abandonnée. Ils l’emmènent avec eux à travers l’océan indien jusqu’à Bornéo, où ils rencontrent le sultan de Sarawak, potentat anglais, qui règne sur l’exploitation de l’hévéa par les indigènes. La révolte qui gronde chez les Dayaks menace les intérêts de la couronne. Corto se retrouve à jouer les médiateurs et à prendre sous son aile une jeune paralytique, Ratu la sirène, dont Calaboose tombe amoureux. Corto et ses amis prennent ensuite la direction de l’île d’Escondida pour y retrouver le commanditaire de leur mission, le mystérieux Moine, qui a une idée bien précise quant à l’avenir du jeune couple...
Quand la reprise de Corto Maltese, personnage tellement lié à son créateur Hugo Pratt, a été annoncée, nombreus sont ceux qui ont douté. Redonner vie à une série aussi mythique s'annonçait assurément comme un exercice périlleux. Lors de la parution de Sous le soleil de minuit,on a pu mesurer que Rubén Pellejero et Juan Diaz Canales avaient transformé l'essai, réussite confirmée avec l'album suivant Equatoria. Pour Le jour de Tarowean, les auteurs vont encore plus loin, puisqu'ils signent une sorte de prequel à la Ballade de la mer salée, un album parfois considéré comme le premier roman graphique, et qui surtout, marquait la première apparition de Corto Maltese.
On y découvrait le marin en mauvaise posture, dérivant sur un radeau dans le Pacifique Sud le 1er novembre 1913...scène qui clôture Le jour de Tarowean. Corto, Raspoutine, Cranio, le Moine sont donc autant de personnages connus que l'on retrouve dans un contexte compliqué. En effet, l'Océan Pacifique est en proie à des jeux d'influences proches des tirailements politiques qui, quelques mois plius tard, déchireront l'Europe. Les îles polynésiennes se fragmentent entre tribus autochtones, grandes puissances occidentales et...une mystérieuse assemblée clandestines de moines qui n'en ont que le nom...
Juan Diaz Canales intègre habilement son récit dans l'univers d'Hugo Pratt, et ce avec un profond respect. L'histoire colle parfaitement avec La ballade de la mer salée et son ambiance bien particulière. Cependant, alors que cet album fondateur demandait à se laisser apprivoiser, le lecteur d'aujourd'hui parcourt dans Le jour de Tarowean un terrain qui lui est familier, et y côtoie -avec plaisir- des personnages qui paraissent cependant moins mystérieux que lors de leur découverte sous le trait et la plume de Pratt. Le scénario est précis et rythmé, laisse peut-être moins de place au rêve que dans les pages de la longue Ballade mais y gagne en efficacité. L'auteur y glisse aussi des allusions à des préoccupations très actuelles, comme le respect de l'environnement.
Rubén Pellejero inscrit son trait dans les traces de celui du créateur de la série, en maîtrise les fameux aplats de noir, mais ajoute à son dessin davantage de souplesse et des décors plus détaillés. Les couleurs sont également fort réussies. Le jour de Tarowean nous éclaire, partiellement, sur les origines du mythe. Il devrait combler les admirateurs de Corto Maltese et même les inviter à se replonger dans la série. A noter que l'album est également disponible dans une édition noir et blanc.