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Django main de feu, par Salva Rubio, Ricard Efa (Aire Libre)

Django main de feu

Scénario : Salva Rubio
Dessins et couleurs : Ricard Efa

Aire Libre

Celui qui réveille

Django Reinhardt est une légende. Mais Django, celui qui réveille est aussi né deux fois. Une première fois dans la neige, durant l'hiver 1910 dans une famille de nomades stationnée à Liberchies, en Belgique. La seconde à Saint-Ouen, près de Paris, à l'automne 1928, quand l'incendie de sa caravane lui mutila la main gauche

Tout commence comme un conte triste, dans ce qui ressemble à la misère pour nous qui ne sommes pas gitans. Et puis vient la musique...  Alors Django trouve un sens à sa vie, et le récit que nous livrent Salva Rubio et Ricard Efa prend toute son ampleur et son rythme, élevé comme celui du jazz manouche et du déplacement des doigts de Django Reinhardt sur les cordes et le manche de sa guitare. Après leur somptueux Monet, nomade de la lumière (Le Lombard), c'est en effet au célèbre Django Reinhardt que les auteurs consacrent ce nouveau biopic. Plus précisément à la première partie de sa vie, la moins connue, avant que le talent du guitariste n'éclate au niveau international. Des années difficiles, où l'histoire se confond parfois avec les légendes et les anecdotes, comme l'explique le scénariste Salva Rubio dans l'intéressant dossier documentaire qui complète l'album.

Des années qui virent aussi renaître le musicien et son art après qu'il ait survécu à un incendie, avec une main gauche mutilée qui allait conditionner sa technique et son jeu en les transcendant. Une fois la musique en lui, c'est le portrait d'un gamin puis d'un ado sûr de lui, parfois arrogant que signent les auteurs, mais aussi d'un artiste peu à peu tiraillé entre ce que l'on n'appelle pas encore le show-business et ses origines, les traditions et la culture manouche.

Cette dernière apporte une chaleur bienvenue au récit, les auteurs ayant pris soin d'entourer le héros d'une tribu et de proches, à commencer par son petit frère, témoins aussi pittoresques qu'attachants et pleins d'humour de son ascension. Joseph Reinhardt, dit Nin-Nin, le petit frère, devint d'ailleurs l'accompagnateur discret et attentionné du guitariste prodige.

Pour Monet, Ricard Efa avait travaillé son trait et ses couleurs de manière à s'approcher de ceux du peintre. Ici la mise en images s'attache aux portraits des personnages, à leur humanité retranscrite à travers une délicate justesse des expressions. Les couleurs directes accentuent l'impression que deux perceptions du monde se côtoient, celle des gens du voyage et le nôtre, vers lequel Django est amené à se tourner. Et c'est avec beaucoup de plaisir que l'on s'attardera sur certaines planches remarquables, comme sur certaines séquences mémorables.

Nul besoin d'être un amateur éclairé de jazz pour apprécier une belle histoire, et ce très bel album nous en propose justement une. Une histoire vraie pour laquelle Thomas Dutronc signe une préface admirative et passionnée.

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Pierre Burssens

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03/02/2020