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Le Cahier à fleurs - Tome 1 : Mauvaise orchestration, par Laurent Galandon, Viviane Nicaise, collection Grand Angle (Bamboo)

Le Cahier à fleurs

Tome 1 : Mauvaise orchestration

Scénario : Laurent Galandon
Dessins : Viviane Nicaise
Couleurs : Jérôme Maffre

Bamboo, collection Grand Angle

De quelques notes de musique

Avec Laurent Galandon, la collection Grand Angle chez Bamboo se saisit de grands questions du siècle dernier dans un souci évident de devoir de mémoire. Après avoir abordé la Shoah avec un diptyque émouvant l’Envolée sauvage, la guerre d’Algérie avec le diptyque en cours Tahya-el-Djazaïr et les femmes islamiques kamikazes avec l’autre diptyque en cours Shahidas, l’auteur réitère avec une nouvelle fiction évoquant le controversé génocide arménien. De 1915 à 1917, en pleine Première Guerre mondiale, les autorités ottomanes du gouvernement des Jeunes Turcs d’Ever Pacha ont programmé et orchestré un massacre de plus d’un million et demi d’Arméniens. Après la France, le Canada, le Parlement européen, la Russie ou l’Argentine, la commission américaine des affaires étrangères vient d’adopter - de justesse - une résolution reconnaissant ce génocide. Mais près de cent ans après les faits, le pouvoir turc actuel conteste toujours le mot...

Sur ce très ancien Cahier à fleurs figure une partition émouvante que le jeune violoniste turc Hasmet Erden joue à Paris en 1983
devant un public conquis. Mais le concert est interrompu par Dikran Sarian, un spectateur arménien âgé de 77 ans, pris d’un malaise en reconnaissant la mélodie pourtant inédite. Le lendemain, l’artiste vient le voir à l’hôpital. Et le vieil homme de lui conter l’histoire de ce manuscrit qui remonte aux terribles événements de 1915 en Anatolie orientale. Un bon matin, tous les hommes d’origine arménienne sont rassemblés et disparaissent. Le lendemain, les gendarmes ottomans escortent les femmes, les vieillards et les enfants. Parmi eux Dikran et sa grande sœur violoniste Maryanouche. Leur calvaire commence…

Laurent Galandon choisit de placer son récit dans les années 80 au moment où la diaspora arménienne tente bruyamment de faire reconnaître le génocide au plan international. Il confie à un survivant le soin d’évoquer ce massacre terrible doublé d’un véritable nettoyage ethnique et d’une sorte d’esclavagisme. Au travers du prisme des enfants, les faits n’en sont pas moins rudes, mais conserve une certaine distance. Le lecteur bascule progressivement de la vie harmonieuse au drame. Pourtant, la dessinatrice Viviane Nicaise parvient par un trait élégant parfaitement mis en couleurs à raconter cette tragédie avec finesse et sensibilité sans violence excessive. Marchant derrière Frank Giroud qui avait évoqué ce sujet dans le Décalogue et l’avait approfondi dernièrement dans l’épisode Anahide de l’extension les Fleury-Nadal avec Didier Courtois, les deux auteurs ont peut-être trouvé un meilleur équilibre en se donnant le temps d’entrer au cœur de ce processus terrifiant, en soignant les mises en scène et trouvant un fil rouge musical très astucieux.

Du très bel ouvrage à méditer pour ne pas oublier.

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Manuel F. Picaud

Du même scénariste :

Shahidas - T1 Tahya El-Djazaïr - T1 Quand souffle le vent L'Envolée sauvage - T2

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09/04/2010