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Entretien avec Sylvain Vallée

En octobre 2000, votre serviteur publiait sa toute première interview sur Auracan.com en passant à la question un certain Sylvain Vallée que je qualifiais alors de «  jeune dessinateur avec lequel il faudra compter dans les années à venir ». Nul doute que ce dessinateur au trait ultra efficace, jeune et talentueux repreneur d’une très bonne série, a fait depuis un parcours impeccable. Après avoir bouclé le deuxième cycle de Gil Saint-André en compagnie de Jean-Charles Kraehn, Sylvain Vallée publie début octobre le premier tome d’une nouvelle saga imaginée par Fabien Nury : Il était une fois en France. Retrouvailles sept ans après…

Alors que Gil Saint-André - la série qui t’a fait connaître - se porte très bien, qu'est-ce qui a été l’élément déclencheur de la nouvelle saga Il était une fois en France que tu signes avec Fabien Nury ?
Certainement l'envie assez ancienne de renouer avec un univers qui fait partie de mon imaginaire, le polar classique et les années 40-50, avec une esthétique particulière et ses personnages « hauts en couleur ». Après six albums de Gil Saint-André, au cadre contemporain, je souhaitais revenir à ce que j'avais déjà abordé avec mes premiers ouvrages [L’Écrin par exemple, ndlr]. Ce projet m'offrait la possibilité de retrouver un style semi-réaliste, presque caricatural, avec une mise en scène très cinématographique et réaliste, me permettant de jouer sur une large gamme d'émotions. Je peux passer un temps fou sur la justesse d'une expression ou d'un regard... Ajoutez à cela la qualité du scénario, et le sentiment que cette histoire avait été écrite sur mesure, je me suis rapidement dit que je ne pouvais pas ne pas la mettre en images !

Justement, comment as-tu rencontré Fabien Nury ?
Partageant cet imaginaire avec Fabien, je connaissais et suivais attentivement ses diverses productions. Je l'ai rencontré grâce à Laurent Muller [alors directeur de collection chez Glénat, ndlr] qui m'a transmis son scénario. Et j'ai tout de suite été séduit par ses qualités de narrateur et de dialoguiste (comment ne pas être sensible aux dialogues quand on a été bercé toute sa jeunesse par les films écrits par Henri Jeanson ou Michel Audiard ?) et par une certaine intelligence dans l'analyse de la psychologie des personnages. Ce qui m'a également plu, ce sont les références assumées au cinéma et à la littérature policière dans son travail.


Joseph Joanovici

Quelles sont les grandes lignes du premier opus d’Il était une fois en France ?
Il était une fois en France est basé sur la vie d'un véritable mafieux français, Joseph Joanovici. Immigré roumain d’origine juive, né à la fin du 19e siècle, il est arrivé sans un sou à Clichy en 1925 et a fait fortune comme ferrailleur en quelques années. Par la suite, pendant l’Occupation, il a joué un double jeu stupéfiant : proche de l’Abwehr et de la Gestapo française, il est devenu milliardaire grâce au marché noir… tout en finançant la Résistance à partir de 1943, et en sauvant plus de 150 personnes des camps de la mort ! Il fut à la fois décoré comme résistant et condamné à la prison comme collaborateur. Un homme totalement hors du commun par son intelligence et sa volonté de survie, un personnage terriblement « riche », dans tous les sens du terme, et passionnant pour des créateurs de fictions.

Mais il ne s’agit pas là d’une simple biographie…
Fabien a bien évidemment romancé son histoire, mais, dans les grandes lignes, elle reste assez fidèle à la réalité qui nous est parvenue par le biais des ouvrages traitant du personnage. Ce premier tome narre les débuts de sa vie en France, comment il a fait fortune, mais également sa situation dans l’immédiat après-guerre et la fin de son règne. Les tomes suivants nous permettrons de remplir les cases manquantes dans le mystérieux puzzle de sa vie et de nous étendre un peu plus sur les rapports ambigus qu'il entretenait avec la Gestapo française et la Résistance...

À t’entendre, je te sens comblé par cette nouvelle collaboration…
J'aime me mettre au service d'une histoire dont j'ai apprécié la lecture. Cette approche de la mise en scène très cinématographique, l'intérêt pour cette époque, un attachement tout particulier aux personnages, tant au niveau graphique que psychologique, notre intérêt commun pour les dialogues que nous avons en commun… tout cela nous a très rapidement rapproché. Cela m’a même donné envie de proposer à Fabien de travailler ensemble sur les story-boards que je lui soumettais, ceci afin d'avoir une vision commune des événements. Je pense que cette proximité dans les goûts, les influences et le travail a beaucoup apporté à notre collaboration et donc à l’album.

En combien de tomes est prévu Il était une fois en France et jusqu'à quelle période allez-vous nous emmener ?
Il était une fois en France est une série prévue en six tomes. Je peux vous dire que le scénario le mérite et que j'en ai largement sous le pied pour m'amuser ! En effet, dès le départ, Fabien m'a soumis un script de l'ensemble de la série dans les grandes lignes et, même si nous retravaillerons ensemble chaque tome, cela m'a permis de juger de la qualité du projet. Quand on s'engage pour six volumes de 54 pages, ce n'est pas négligeable... Pour ce qui est des périodes abordées, elles correspondent à la vie de Joseph Joanovici, de 1905, date du pogrom de Kichinev et de sa rencontre avec Eva, sa future femme, jusqu'à 1965, année de sa mort à Clichy. Et vu le personnage et sa vie tumultueuse, il y a largement de quoi remplir six volumes !

D'autre part, alors que paraît l'intégrale du 2e cycle de Gil Saint-André, quels sont tes projets avec Jean-Charles Kraehn pour cette série ?
À l'heure actuelle, aucun scénario n'est rédigé, mais nous avons de nombreuses idées et pistes pour un prochain cycle court (en deux ou trois tomes). Jean-Charles travaille sur le retour de Bout d'homme dont il réalise le scénario et le dessin. Il devrait s'atteler au scénario du tome 9 de Gil Saint-André avant la fin de l'année. On peut envisager son retour pour fin 2008-début 2009.

Comptes-tu alterner un tome de chacune de tes séries ?
C'est une idée, mais il est trop tôt pour le dire et l'avenir est plein d'autres projets ! Mes priorités restant Gil Saint-André et Il était une fois en France. On ne lâche pas si facilement la série qui vous a fait connaître et sur laquelle on a passé tant de temps, avec une si plaisante collaboration. Et il est difficile de laisser passer un bon projet et une autre collaboration tout aussi intéressante... Surtout quand des amitiés naissent de ce travail en commun.

Propos recueillis par Brieg Haslé en septembre 2007
© Brieg Haslé / Auracan.com
Photo de Sylvain Vallée © Manuel F. Picaud / Auracan.com
Visuels © Fabien Nury - Sylvain Vallée / Glénat
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Brieg F. Haslé
02/10/2007