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Avec des séries comme "Carmen
Mc Callum" et "Travis",
Fred Duval fait partie des scénaristes en
vogue. Pour Auracan.com, il évoque son actualité :
du nouvel album de "Travis" au troisième
opus de son western "Gibier de Potence",
en passant par un projet de nouvelle série,
il nous parle de ses riches univers. Rencontre...
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Carmen Mc Callum & Travis
Revenons sur les univers de Carmen Mc Callum
et de Travis,
deux séries qui fonctionnent de façon
complémentaire…
Le scénario du premier Travis et la rencontre
avec Christophe Quet ont eu lieu bien avant la sortie
du premier Carmen. L'idée est venue d'une envie
d'aborder le monde de 2050 d'un point de vue différent
que celui présenté dans Carmen.
Cette dernière est une mercenaire qui provoque les événements
tandis que Travis, au départ, est présenté comme
un personnage qui les subit. Plutôt que de déviation,
je parlerais de complémentarité. Ainsi,
le sujet des nanomachines a été traité dans Carmen et dans Travis mais
de deux façon différentes
: dans les Carmen 4 et 5, les nanomachines
représentent
une menace extérieure tandis que dans Travis 3,
les nanomachines sont vues de l'intérieur.
Je m'amuse continuellement à proposer aux lecteurs
différents points de vue. Dans le prochain Carmen,
nous retrouverons ainsi deux personnages du premier
cycle de Travis... (1)
Pourquoi scinder en deux le 6e tome de Travis en
proposant ces opus 6.1 et 6.2 ?
Pour varier les points de vues. A la fin du premier
cycle, Vlad et Travis partent chacun de leur côté.
Comme beaucoup de nos lecteurs, nous pensons que Vlad
est le personnage principal du premier cycle. Nous
avons donc envisagé de lui accorder une aventure
dont il serait le héros. En discutant des possibilités
qui se présentaient est venue l'idée
de deux tomes où Travis et Vlad seraient confrontés
au même adversaire dans des lieux différents.
Il ne s'agit donc pas d'écrire la même
histoire de deux points de vue différents, comme
dans Vortex de Stan et Vince par exemple, mais de construire
une aventure où la menace est présentée
au lecteur par deux ouvertures. Vitruvia étant
une énorme entreprise de travaux publics, il était
assez simple de trouver deux situations différentes,
l'une pour Vlad, l'autre pour Travis. A partir de là,
l'album 6.1 s'est intéressé à la
destruction (du hameau / de Travis en tant qu'agent)
tandis que le 6.2 est plutôt basé sur
la reconstruction (d'Istanbul / de Vlad et Pacman,
mercenaires repentis). (1)
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Comment s'est passé la réalisation
de ce tome 6.2 ?
J'ai rédigé un scénario de 92
planches, sachant que 46 d'entre elles devaient former
l'album 6.1 et les 46 autres le 6.2. C'était
assez stimulant car les deux albums devaient à la
fois se lire l'un à la suite de l'autre, tout
en ne formant qu'une seule histoire. Nous avons mené les
deux albums de front. Il était important que
la narration graphique, donc les choix de mise en scène,
soit assurée par la même personne, Christophe
Quet. Nous avons décidé de confier la
réalisation du dessin à Ludwig Alizon
dont nous avions particulièrement apprécié le
travail sur une histoire courte publiée dans “Pavillon
Rouge“. (1)
Et pourquoi ne pas avoir fait un seul gros album de
92 pages ?
Les deux livres n'en forment qu'un seul, mais les décaler
au niveau du graphisme nous semblait plus qu'intéressant.
Travis est une série de SF de divertissement,
mais cela ne nous interdit pas les expériences
! Christophe et moi discutons régulièrement
de l'avenir de la série, j'ai des idées
pour en faire une trentaine de tomes, mais une chose
est sûre : nous ne voulons pas nous installer
dans une routine. Ce second cycle, et sa mise en oeuvre,
je l'espère, en témoignent ! (1)
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Après avoir évoqué le prochain
Travis,
le tome 6.2, peux-tu nous présenter
le prochain opus de Carmen Mc
Callum ?...
Ce septième tome de Carmen Mc Callum s'intitule
l'Appel de Baïkonour : il constitue la seconde
partie d'une aventure en trois épisodes. Dans
cet opus, nous entrons de manière plus frontale
dans l'exploration des EGM, les êtres génétiquement
modifiés. Un des principaux concepteurs et pourvoyeurs
d'EGM, Leonid Maïakovski, est la cible du gouvernement
Russe. En échange d'un soutien logistique à la
cause de Russel et du professeur Kapoor, les Russes
exigent que ces derniers se chargent de son exécution.
Carmen est sollicitée pour accomplir la mission,
mais elle refuse. Elle connaît Maïakovski
et le craint... Elle apprend que c'est Russel qui tentera
l'aventure à sa place...
Quand paraîtra cet album ?
J'ignore la date de parution, un premier tiers de l'album
est achevé, j'espère une publication
pour le premier semestre 2005, la série (et
le label « Série B ») fêteront
leur 10 ans, ce serait bien...
Question commune à Travis et
Carmen Mc Callum :
combien de tomes as-tu prévu pour ces deux
séries qui fonctionnent ensemble ? Il ne s'agit
pas là, il me semble, de séries qui devraient
s'achever rapidement...
Je pense que les possibilités d'histoires sont
illimitées. Tant que les auteurs sont motivés
pour avancer, il y aura des albums de Carmen et Travis.
De mon côté, j'ai déjà assez
d'idées pour en faire 15 de chaque.
Pour conclure avec Travis et
Carmen Mc Callum,
connais-tu les réactions de tes lecteurs face à ces
deux séries complémentaires ? Les lisent-ils
parallèlement et comment appréhendent-ils
leur complémentarité ?...
En fait, je ne crois pas qu'il y ait UNE réaction,
chaque lecteur a sa propre approche des ces séries.
Il y a les mordus qui s'amusent à relever les
références, les clins d'oeil, les ponts
entre les deux séries, il y a ceux qui en aiment
une et ignore l'autre, ceux qui ont une petite préférence,
etc… L'important, pour nous, c'est que les deux
séries soient complémentaires mais pas
dépendante l'une de l'autre, les lecteurs ne
doivent pas se sentir obligé d'acheter l'une
pour comprendre l'autre. Maintenant, pour moi, il est évident
que cette complémentarité permet d'apprécier
pleinement les différentes histoires.
Hauteville House
Il y a quelques mois, tu as lancé, toujours
chez Delcourt, une nouvelle série : Hauteville
House avec le dessinateur Thierry
Gioux dont nous connaissions chez Glénat son excellente reprise du Vent
des Dieux avec Patrick Cothias,
et la série Waldeck avec
Luc Dellisse... Mais quel est donc ce nouvel univers
?
C'est une idée que j'avais envie d'exploiter
depuis longtemps. Après avoir lu, au début
des années 90, les Voies d'Anubis de Tim Powers,
en fait. Le genre steampunk naissait, et il était
victorien... J'avais envie de transposer ce genre géographiquement
vers la France. A l'époque victorienne, nous
sommes sous le second empire... L'idée est donc
d'avoir une uchronie sous le Second Empire. Napoléon
III veut dominer le monde, les républicains
français tentent de le contrer.
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Pourquoi avoir choisi la maison d'exil
de Victor Hugo à Guernesey
comme base de cette équipe de choc ?
Parce que, justement, Hugo symbolise la résistance
intellectuelle à "Napoléon le petit"...
Hauteville House est naturellement devenue la base
des "gentils" !
As-tu visité cette maison totalement hallucinante
où le créateur des Misérables
avait réalisé, lors de son exil, une
décoration pré-surréaliste avec
des couvercles de soupières collées au
plafond du hall d'entrée et des monogrammes à ses
initiales présents dans quasi toutes les pièces
de cette demeure bourgeoise ?
J'y ai fait un passage éclair (un bateau à prendre
m'a interdit la visite complète de la maison).
Thierry Gioux, par contre, est allé sur place
en prenant son temps.
Comment et pourquoi avoir signé cette nouveauté avec
Thierry Gioux ?
Nous nous connaissons depuis des lustres, nous avons
même été voisins à Rouen.
Un jour Thierry m'a demandé si j'avais un scénario
pour lui, il voulait faire un western, j'ai tout de
suite pensé à mon "vieux" projet
steampunk, et je lui ai proposé d'orienter le
premier cycle sur le Mexique et les États-Unis,
en pleine période western !
Quel est l'avenir de cette nouvelle histoire
? Est-ce une série qui devrait connaître de nombreux
rebondissements, ou s'agit-il d'un récit dont
tu as déjà, au préalable, défini
le nombre de tomes ?...
Le premier cycle se terminera, normalement, au troisième
tome... Actuellement je suis en pleine réflexion,
car à mesure de collecter de la documentation,
je me rends compte que 4 albums seraient peut-être
plus adaptés pour raconter correctement la trame
principale que nous avons fixée... La décision
se prendra à la fin du second tome. Ensuite,
nous fonctionnerons par cycles, comme pour Carmen et
Travis. J'aimerais bien emmener Gavroche en Afrique,
aux sources du Nil...
Lieutenant Mac Fly
Autre série, je crois que Lieutenant Mac Fly,
une bande d'aviation non dénuée d'humour,
est terminé. Pourquoi ?
Faute de passagers dans l'avion... La compagnie a dû déposer
le bilan.
Que retiens-tu de cette expérience ? et comment
expliques-tu les raisons de son arrêt ?
C'est difficile de répondre à cela...
Une série s'arrête toujours pour de mauvaises
raisons... Pour moi l'expérience reste très
sympa, j'ai essayé de "sortir" de
mes récits réalistes habituels... C'est
bien de varier les tons, les ambiances graphiques.
Mais, contrairement à mes séries SF,
celle-ci n'a pas trouvé son public, j'ai eu
la même mésaventure avec Mâchefer,
chez Vents d'Ouest, c'est très pénible,
mais c'est la vie, tout ne peut pas toujours "marcher"...
Ca ne m'empêchera pas d'ailleurs, de tenter de
nouvelles expériences !
As-tu d'autres projets avec Jean Barbaud, son dessinateur
?
Pour le moment, nous n'avons rien en préparation.
De mon côté, j'ai entamé Hauteville
House ainsi qu'une nouvelle série et j'ai aussi
envie de voir pousser mes enfants… Mais pourquoi
pas, un jour, tenter quelque chose de différent
avec Jean, bien sûr !
Gibier de Potence
Ton actualité étant des plus riches,
passons à une autre des nouveautés que
tu publies en septembre : le 3e tome de Gibier
de Potence paraît ainsi en cette rentrée. Comment
est née cette série western que tu co-signes
au scénario avec François Capuron ?
François avait construit la trame du premier
cycle, c'était un projet qu'il nourrissait depuis
de longues années. Un jour, alors que nous avions
rencontré un dessinateur qui souhaitait faire
du western (Olivier Matin), il m'a parlé de
ce projet, je l'ai lu, et nous avons décidé de
le découper ensemble. Ensuite, ça n'a
pas marché comme prévu avec Olivier et
nous avons proposé le projet à Fabrice
Jarzaguet. Pour le second cycle qui commence avec ce
tome 3, nous avons construit le projet ensemble.
Quelle est la trame de ce 3e tome ?
Le capitaine Lopeman est chargé par le gouverneur
du Kansas de prendre ne charge la sécurité d'un
chantier ferroviaire dont la main d'œuvre principale
est constituée de prisonniers sudistes. Officieusement,
le gouverneur charge Lopeman d'enquêter sur un
changement imprévu du tracé de la ligne
qui implique la construction d'un pont... Lopeman prend
ses fonctions et son enquête va le mener vers
une petite ville tranquille où, brusquement,
tout va déraper...
Te nourris-tu de tes "illustres" prédécesseurs
: Jerry Spring, Blueberry, Comanche...
? Ces désormais
classiques de la BD western ont-ils une influence sur
Gibier de Potence ?
Les séries comme Blueberry et Comanche, ainsi
que les westerns au cinéma, ont eu un impact
sur l'ensemble de mon travail, en fait. Carmen et Travis ont des trames très western, le second cycle
de Carmen et le Travis 6.1 en particulier.
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Comment travailles-tu avec ton co-scénariste
qui est, paradoxalement, ton éditeur ?
En fait, je connais François quasiment depuis
son arrivée aux éditions Delcourt, nous
avions je crois dépassé le cadre des
rapport auteur éditeur bien avant de co-écrire
Gibier de Potence, c'est certainement aussi pour cela
que ce projet a pu se monter sans ambiguïté.
François est un passionné de western,
moi aussi, de foot, moi aussi, bref, on s'entend bien
et son idée de scénario était
bonne. Nous nous sommes mis d'accord sur un fonctionnement
: il découpe et dialogue, je "repasse" sur
les pages... Pour l'instant, ça se passe plutôt
bien !
Fabrice Jarzaguet dessine Gibier
de Potence.
Comment vous êtes-vous connu et entendu pour cette série
?
Fabrice avait réalisé quelques croquis
western qu'il avait montrés à François,
je crois. Nous trouvions que son style pouvait parfaitement
coller à notre histoire. Nous sommes donc entré en
contact avec lui. Sa série avec Jean-David Morvan,
Bunker Baby Doll, n'étant plus une priorité ni
pour l'un ni pour l'autre, nous avons lancé Gibier
de Potence.
Quel est l'avenir de Gibier
de Potence,
passé ce
3e tome ?
Au moins un quatrième tome pour conclure ce
second cycle. Ensuite, si tout se passe bien, nous
continuerons notre progression vers l'ouest dans un
nouvel épisode dont le personnage principal
n'est pas encore défini. C'est le principe de
la série, des aventures courtes et une galerie
de personnages plus ou moins exploités à chaque
fois...
Meteors
Et sinon, as-tu d'autres projets dans tes cartons
? Et veux-tu nous en parler ?...
Le seul projet dont je peux parler, car bientôt
lancé, c'est Meteors, avec Ludwig Alizon, le
dessinateur du Travis 6.2. Il s'agit d'une série
SF qui se déroule dans 150 ans... Les I.A. sont
devenues, sur Terre, l'intelligence dominante, les
humains leur ont confié un très grand
nombre de responsabilités (une I.A. occupe ainsi
le 10 Downing Street, par exemple)... Parallèlement à cela,
on découvre la présence de "failles" dans
l'espace... Failles naturelles ou artificielles ? Ouverture
vers des coins ignorés de l'univers ou rencontre
probable avec une intelligence supérieure aux
I.A. ? Voilà les questions…
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