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Christophe Simon a donc rejoint Lefranc
Christophe
Simon - Je travaillais
précédemment sur la série Orion
et sur L'Odyssée d'Alix. En 1993, un de
mes professeurs de dessin connaissait bien Jacques Martin.
Il m'a appris qu'il cherchait des jeunes dessinateurs
suite à ses problèmes de vue. Mon dessin
étant classique, ayant eu l'envie de faire ce
métier en lisant enfant La Griffe Noire,
un album d'Alix, je me suis précipité
sur l'occasion en présentant un dossier à
Jacques Martin.
Jacques Martin - Je lui ai alors demandé
de terminer le dessin du Styx, le second album
de la série Orion. J'ai créé
cette série car je pensais m'être trompé
d'époque avec Alix. J'avais le regret
de ne pas parler de l'époque de Périclès.
Et comme toujours, je ne voulais en faire qu'un, mais
cela a bien marché. Je me fais toujours avoir
ainsi (rires) ! Aujourd'hui, si je démarre
une nouvelle série, mes collaborateurs pourront
la poursuivre seul. J'étais en panne à
la page 32. J'ai testé plusieurs dessinateurs,
puis il est arrivé ! Je l'ai fait travailler
sur la page 33. Miracle, il l'a bien faite. En suivant
mes croquis, il a ainsi très bien fini l'album.
Il a tellement bien travaillé que beaucoup de
lecteurs ne voient pas la cassure dans l'album. J'ai
proposé à Christophe de continuer Orion.
Christophe
Simon - J'ai donc dessiné
le troisième tome, puis j'ai réalisé
L'Odyssée d'Alix 2. A la demande de Casterman
qui voulait proposer cet ouvrage dans le format de la
collection, j'ai adapté le premier tome de L'Odyssée
d'Alix. A cette occasion, j'ai dessiné une
petite aventure d'Alix.
Jacques Martin - Il est très fort ! Il
est aussi à l'aise avec Lefranc qu'avec
Alix. J'ai confié Lefranc à
Christophe Simon parce que j'avais déjà
donné Alix à Rafael Moralès.
J'aurais dû faire l'inverse, mais Moralès
était là avant. Je me rends compte que
Moralès, qui doit être le meilleur décoriste
que je n'ai jamais eu, est moins à l'aise dans
les personnages de l'Antiquité.
Crayonné de Jacques Martin
pour la série Alix
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Est-ce pour faire plaisir à Christophe
Simon qui aime le dessin à l'antique, que les
personnages du dernier album de Lefranc, El
Paradisio, sont très peu vêtus ?
Non, pas du tout. Normalement, ces Indiens n'ont
même pas de pagnes. Nous avons hésité,
mais nous n'allions tout de même pas proposer
une histoire avec des types tout nus pendant une trentaine
de pages ! Déjà que ce récit risquait
d'être mal interprété, il fallait
mieux les habiller. Ces populations n'ont pas nos complexes,
ceux de la civilisation judéo-chrétienne.
Moi qui ai beaucoup travaillé sur l'Antiquité,
je me rends compte combien les anciens n'avaient pas
ces complexes de pudeur. On peut le constater, toutes
les religions sont pudiques et relativement intégristes.
On vous a souvent reproché ces aspects,
notamment à travers la série Alix
Évidemment ! On m'a accusé de toutes sortes
de choses, et encore aujourd'hui : "Des nudités
! Mon dieu, mais qu'est-ce que c'est ?" (rires)
! Alors que nous sommes en dessous de la vérité
en leur collant des pagnes qu'ils n'ont pas. Imaginez
les réactions d'un certain public si nous avions
représenté ces personnages totalement
nus, Lefranc y compris !
Comment travaillez-vous ensemble ? Vous avez
créé un studio ?
Pas du tout, j'ai horreur des usines à dessin.
Je l'ai subi pendant vingt ans au Studio Hergé
! Mes collaborateurs sont tous chez eux, et nous nous
rencontrons régulièrement. Ils viennent
me voir, je leur prépare des pages, on discute
certains points ensemble. Ils me lisent les dialogues,
on les commente, on les peaufine. Je suis prêt
à la discussion !
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Ecrivez-vous votre scénario au fur et
à mesure de la réalisation des planches
?
J'écris toujours un texte de trois pages
manuscrites. Puis, je le découpe en séquences
de cinq à dix pages qui restent souples. Vous
le savez, Hergé travaillait ses scénarios,
avec moi à une époque, au croquis jusqu'à
la dernière page. Cette méthode m'embêtait
car on ne pouvait revenir en arrière. Pour cette
raison, je travaille en séquences en me laissant
une marge de deux ou trois pages où je peux incorporer
la bonne idée ! Je me souviens de bonnes idées
pour des scénarios de Tintin qui, de ce
fait, sont passées à la trappe. Une des
difficultés de la bande dessinée réside
dans le fait de ne pouvoir faire comme au cinéma
: couper au montage. Il faut bien préparer son
récit.
Christophe Simon, comment se présentent
les mises en place graphiques que Jacques Martin vous
prépare ?
Christophe
Simon - Il me donne
la page au format, avec les cadres, les phylactères
et une ébauche des images avec différents
éléments de décor et de personnages
mis en place. Dans la mesure du possible, je respecte
cette base. Si j'ai un problème, j'en discute
avec Jacques Martin.
Et en ce qui concerne la documentation ?
Pour Alix, j'ai une importante bibliothèque
sur l'Antiquité. Pour une histoire contemporaine
comme El Paradisio, cela est plus compliqué.
Je voulais me rendre en Amazonie mais mon médecin
me l'a déconseillé. Nous avons donc trouvé
des livres, des reportages filmés. J'ai des amis
qui me trouvent de nombreux documents. Je prépare
mes albums des mois, voire des années, à
l'avance. Pour le prochain Lefranc, L'Ultimatum,
nous avons fait des milliers de photos en Angleterre
et à Bruges. Je ne fais rien sans une importante
documentation.
Puisque vous évoquez le prochain album,
pouvons-nous en parler ?
Bien sûr. Ce récit débute à
Bruges par un vol de tableau. Lefranc, venant pour cette
affaire, tombe sur une tout autre histoire : c'est un
ultimatum que la France et l'Angleterre reçoivent.
Involontairement, Lefranc s'en trouve mêlé.
Je crois que cela va donner un album qui devrait être
assez palpitant ! Nous devrions retrouver certains éléments
de La Grande Menace. Et nous verrons Lefranc
sortir avec une jeune fille prénommée
Sophie. Je voulais aller un peu plus loin, faire une
petite histoire dans une chambre d'hôtel, mais
Christophe m'en a empêché (rires)
!
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Lefranc est une série contemporaine, qui
avance avec le temps. Lors de votre passage chez Dargaud,
on vous avait proposé de le figer dans les années
1950
J'ai refusé, dans ces conditions-là, on
devrait refaire tous les James Bond ! C'est une idée
de Claude de Saint-Vincent. Il l'a fait avec Blake
& Mortimer, mais cela le regarde. Dans un tel
cas, Tintin serait resté aux années
1930. Nous n'aurions pas pu faire un album comme Vol
714 pour Sydney avec un avion aussi perfectionné.
C'est une sclérose de rester à la même
époque. Cela est différent avec des récits
se passant autrefois, dans l'Antiquité ou au
15ème siècle. Et le public, je pense,
préfère cela : il évolue avec le
personnage. C'est le propre d'une série. Alix
est un cas différent : il s'agit d'une époque
bien définie, des décors bien définis
où une erreur de deux ou trois années
se voit beaucoup moins.
Quel est l'avenir de Lefranc après L'Ultimatum
?
La Momie bleue se passera en Egypte, il s'agira
d'une histoire de génétique. Pour cette
aventure, Borg aura besoin que Lefranc soit son témoin.
C'est pour cela que depuis quelques albums, Borg et
Lefranc deviennent de plus en plus amis. Borg compte
sur Lefranc pour diffuser une formidable nouvelle. Ensuite,
je vous donne quelques titres dans le désordre
: Siciliano, une histoire ayant pour cadre la
Sicile, L'Ombre de Scarlett où nous retrouverons
en Louisiane le milliardaire Fischer connu dans Le
Mystère Borg, Le Scandalor qui sera
une sombre histoire d'espionnage en France, La Planète
rouge qui sera la suite de L'Apocalypse où
nous voyagerons de la Bavière de Louis II à
la planète Mars, Le Clone qui se déroulera
au Japon
J'ai des idées que je note, j'établis
des listes de noms dont certains complètement
idiots comme Monica Lansmal pour une joueuse de tennis
(rires) !
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