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Entretien avec Denis Falque et Didier Convard

Denis Falque et Didier Convard
Denis Falque et Didier Convard

Didier Convard est un scénariste confiant. Quand il aime, il le montre. Il en va ainsi de sa collaboration avec Denis Falque : un jeune dessinateur qu'on lui proposa pour illustrer les parties contemporaines de son best-seller Le Triangle Secret. Après le succès de cette excellente saga ésotérique et de sa suite I.N.R.I. (avant une troisième saison à venir : Les Gardiens du Sang ), Convard et Falque signent ensemble leur première série en duo : Le Protocole (Glénat). Rencontre avec un scénariste de tout premier rang et un jeune dessinateur aussi efficace que prolifique à l'occasion de la parution du premier tome du Protocole du Tueur

Didier, avec Le Tueur à la ficelle, premier tome du Protocole du Tueur, tu imagines l'histoire d'un serial killer dans une ville bourgeoise de province en t'amusant à mettre en scène différents protagonistes impliqués dans une histoire sordide…

Didier Convard  : Tu décris bien la base de mon scénario, même si ce n'est pas que cela… En effet, tu décris la situation que je montre dans le tome 1. Il faut préciser que cette série sera faite de diptyques : Le Protocole du Tueur sera un livre en deux chapitres, suivi de deux autres diptyques qui s'intituleront Le Protocole du Fou et Le Protocole de Dieu. Le Protocole étant le titre générique de la série, avec des personnages récurrents. Cela se passe dans une ville imaginaire que Denis a créé graphiquement, dont on ne précise pas le nom. C'est un récit qui touche les notables, qui prend ses racines loin dans le passé - dans un flash-back qui est montré au début de l'histoire et qui reviendra de manière récurrente dans l'histoire. C'est un polar pur, contemporain, urbain, sans un poil d'ésotérisme. Attention : il n'y a pas ici de franc-maçon, d'évêque ou de cagoules [rires] !…

Le Protocole du Tueur 1

Comment t'est venue l'idée de cette histoire ?

Didier Convard  : Le Protocole m'est venu à la lecture de plusieurs faits-divers qui ont défrayé la chronique dans les années 85-90. Mais aussi d'affaires impliquant des personnalités en province, comme l'affaire toulousaine où Dominique Baudis était mouillé sans être aucunement impliqué… Plusieurs autres faits également, survenus dans des villes de province, dont certains n'ont pas été très exploités. J'en ai connu en Champagne qui touchaient des notables. Souvent, il s'agissait de rumeurs sans réel fondement… Mais ici, l'histoire débute avec un homme qui tue. C'est pour ces raisons qu'il y a des coupures de presse sur la couverture : tout est venu de ma lecture des quotidiens.

Denis, comment Didier t'a-t-il présenté ce projet ?

Denis Falque  : Je crois que Didier songeait depuis longtemps à un sujet de ce genre. Nous avions envie de continuer à travailler ensemble. Je crois qu'il voulait me donner plus de place - même si j'en avais déjà beaucoup sur Le Triangle Secret et sur I.N.R.I. Et c'est aussi un grand plaisir de travailler ensemble, juste tous les deux.

Didier Convard  : Absolument, on voulait vraiment faire quelque chose tous les deux. Seuls. Que Denis ait ses 54 pages à dessiner, que je lui fasse un scénario rien que pour lui, qu'il soit dans un univers totalement différent. Bien sûr, on retrouve son style - qu'il a maintenant imposé, ce qui est très bien. Je voulais réaliser avec lui des histoires contemporaines qui ne soient pas trop longues, en double chapitre de 108 pages maximum. Des histoires pures, très denses, complexifiées par une narration proche de celle du roman policier…

Pourquoi des histoires courtes en deux tomes ? Vous aviez envie de sortir des grandes sagas ?

Didier Convard  : Oui. Denis aussi je crois. On avait envie de se concentrer… Se lancer dans une grande saga de 7, voire même de 4 tomes, est une entreprise très lourde à tous les niveaux. Écrire une histoire en deux albums est un exercice extrêmement intéressant, parce qu'il faut en permanence condenser et concentrer son récit.

Denis, graphiquement parlant, est-ce plus facile à réaliser ?

Denis Falque  : Non, c'est la même chose, le même travail. Je trouve que c'est assez proche du Triangle Secret, pour ce qui est de ma partie : l'époque contemporaine. La manipulation du lecteur est le point commun avec Le Triangle Secret. Pour moi, cela ne change rien, sauf le fait de savoir qu'au bout de deux albums, on aura clos une histoire, ce qui est quand même plus rassurant niveau planning… sans dates pré annoncées. Cela nous rend plus libres.

Didier Convard  : Je crois que les lecteurs ont le désir d'histoires un peu plus courtes…

Comment l'expliques-tu ?

Didier Convard  : Il y a plusieurs facteurs qui interviennent : le prix de l'album, ça n'a l'air de rien, mais cela compte ; le fait qu'il y ait aujourd'hui une surproduction d'albums de bande dessinée ; que les fans ont envie d'acheter un peu de tout, car il y a beaucoup d'albums intéressants… Du coup, cela inquiète les lecteurs de se lancer dans une série qui compte 7 ou 10 épisodes ; ils attendent un peu, 2 ou 3 tomes avant d'y venir. Je crois qu'ils sont rassurés lorsqu'on leur propose des histoires très courtes, sous la forme de diptyques, par exemple.

Le Protocole du Tueur est justement proposé dans la nouvelle collection « Investigations » des éditions Glénat où l'on trouve aussi l'excellente série Secrets Bancaires de Philippe Richelle qui écrit aussi des histoires en deux tomes…

Didier Convard  : Oui, tout à fait. Ce format en diptyque est adapté au polar en BD. Il est difficile de faire un polar en 8 tomes. Cela doit être perçu rapidement : tu ne peux pas faire attendre tes lecteurs 5 tomes pour qu'ils connaissent les coupables… au risque de les frustrer. Dans le polar, il y a un jeu intellectuel ; le lecteur se dit : « L'auteur m'a donné toutes les pistes, il faut que je découvre qui est l'assassin». D'où l'intérêt !…

Avec cette nouvelle série, tu renoues aussi avec tes débuts, lorsque tu scénarisais l'une de tes premières série, Mathieu Lamy, dessinée par Christian Gine…

Didier Convard  : Certes, je te l'accorde, mais c'était, comment dire… « classicos ». J'aimais bien écrire cette série. Tu as raison, c'est vrai, j'aime bien le polar…

Et l'on retrouve aussi ton amour pour le roman-feuilleton…

Didier Convard  : Tout à fait ! Le polar, tout comme le feuilleton, est un exercice de style. Il existe des codes à respecter : il faut qu'il y ait un meurtre ou une disparition ou un vol ; qu'il y ait un coupable qui ne le soit pas forcément ; qu'il y ait une raison ou un mobile ; et que survienne un enquêteur… Il s'agit d'un système d'équations : j'aime assez concevoir mes scénarios comme des équations, faire passer une inconnue d'une équation à une autre… Le polar permet tous ces exercices de style. Ici, en l'occurrence, nous avons beaucoup réfléchi, Denis et moi, en amont : c'est pour cela que nous avons obtenu cette maquette de couverture, créée par notre directeur artistique chez Glénat.

À propos, qui a eu l'idée de cette composition basée sur une coupure de presse ?

Didier Convard  : Moi… Je voulais une coupure de presse en couverture. Je ne savais pas du tout comment faire et le directeur artistique des éditions Glénat nous a pondu une couverture qui est vraiment extraordinaire. Parce que c'est exactement l'essence même de notre bouquin.

Effectivement, elle est surprenante…

Didier Convard  : Oui, je crois qu'elle est surprenante, pour ne pas dire paradoxale…

Denis Falque  : En fait, nous avions proposé diverses idées. Finalement, la maquette a été créée avant mon dessin. Nous tournions, Didier et moi, autour de quelque chose dans cet esprit… Mais tant que nous n'avions pas la maquette définitive, je ne pouvais pas dessiner le personnage s'y inscrivant… J'ai vraiment dessiné le personnage de couverture en fonction de la maquette proposée.

Didier Convard  : Nous voulions montrer, par la couverture aussi, que nous ne faisions pas un polar à l'ancienne. D'où cette volonté d'une couverture se démarquant d'un album classique : le fait qu'il faille y lire une accroche de l'histoire, ce mélange d'un personnage réaliste avec une photo derrière… Le graphisme du titre est tout à fait remarquable. Que dire de plus sur Le Protocole du Tueur ma foi ? Que les dessins de Denis sont remarquables ! Et qu'il s'affirme de plus en plus…

Je peux en effet en témoigner. Dès janvier 2001, tu m'avais déclaré - au sein d'un entretien pour Auracan.com - combien tu croyais et misais sur le travail de Denis Falque…

Didier Convard  : En effet, je le dis depuis le début : Denis ira loin. Et là, il est sur un travail qui est très difficile. Cela n'a l'air de rien, mais c'est un travail très dur : des décors contemporains, des voitures, des personnages, des séquences différentes, des trucs qui ne sont pas marrants pour un dessinateur - un tramway, des bagnoles, des intérieurs, des mecs qui travaillent dans des bureaux… À aucun moment, on ne s'ennuie : c'est un vrai travail de dessinateur.

Parallèlement aux six tomes annoncés du Protocole, Denis sera aussi acteur de la 3e saison du Triangle Secret  : Les Gardiens du Sang [dont nous parlerons très bientôt au sein d'un autre entretien exclusif avec Didier Convard, ndlr]

Didier Convard  : Non seulement il en sera l'un des acteurs, mais il en sera le pilier, le dessinateur central ! Nous allons reprendre la méthode mise en place sur Le Triangle Secret … on va refermer le cercle. Cette fois-ci, toute l'histoire sera basée du côté des Gardiens du Sang, c'est-à-dire du côté des méchants. Nous préparons 4 albums de 54 pages : Denis dessinera à chaque fois 44 pages, un auteur invité signant les 10 autres pages…

Pour conclure, Denis, comment vas-tu t'organiser entre les albums du Protocole et Les Gardiens du Sang  ?

Denis Falque  : J'assure pratiquement le dessin de deux albums par an. Actuellement, je travaille sur le tome 2 du Protocole et vais le mener à bout. Ensuite, je commencerai Les Gardiens du Sang tout de suite derrière.

Didier Convard  : Mais comme les histoires du Protocole sont des diptyques, nous ne sommes pas tenus de faire le deuxième diptyque un an pile poil après… Nous pourrons fort bien attendre deux ans entre deux diptyques. Enfin, je crois… Je ne sais pas ce que tu en penses Denis ?

Denis Falque  : Absolument. En fait, j'aurai un peu d'avance car je compte terminer le tome 1 des Gardiens du Sang bien avant la parution du premier tome.

Propos recueillis par Brieg F. Haslé le 27 octobre 2007
avec la complicité de Manuel F. Picaud
© Brieg F. Haslé / Auracan.com
Photo des auteurs © Brieg F. Haslé / Auracan.com
Visuels © Denis Falque - Didier Convard / Glénat
Tous droits réservés.
Reproduction interdite sans autorisation préalable
Remerciements à Élise Brun et Cécile Bergeret

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Brieg F. Haslé
19/11/2007