Les Contrées sauvages
Tome 2/2
Scénario, dessins et couleurs : Jirô Taniguchi
Casterman , collection Sakka
L'homme qui rencontre la nature
Ceux qui ont découvert l'oeuvre de Jirô Taniguchi à travers ses récits intimistes publiés "à l'européenne" dans la collection Écritures ignorent souvent que bien avant ceux-ci, au cours de sa longue carrière, le mangaka a abordé des styles très différents. L'anthologie Les Contrées sauvages en donne un bel aperçu. On y retrouve un conteur talentueux, mais surtout un dessinateur grandement influencé par "notre" BD.
Ce second tome, lui-même divisé en deux parties intitulées Villages perdus et L'Homme et l'animal rassemble sept histoires courtes réalisées entre 1977 et 1980, avec une exception, cependant, un huitième récit, Les Innommables (aucun rapport avec la série de Yann et Conrad !) qui date de 2010. Point commun entre tous les récits qui constituent cet épais volume (260 pages) : la thématique du rapport de l'homme à la nature, généralement doublée de celle de l'homme face à lui-même. Celle-ci se voit déclinée à différentes époques, essentiellement au Japon, mais également en Afrique dans Le Vent de la savane est rouge.
Souvent, la rencontre entre l'humain et l'animal s'y teinte d'un aspect légèrement surnaturel, voire carrément fantastique. On est ainsi surpris par ces Innommables, mettant en scène des loups-garous. L'auteur y fait habilement s'y alterner deux types de dessin, celui qui nous est familier, fin et délicat, et des pages que l'on pourrait définir comme "à l'ancienne", plus encrées et ombrées. Jirô Taniguchi est souvent qualifié de "plus européen des mangaka", et en lisant certaines histoires de ces Contrées sauvages, on en arrive parfois à penser que, vu leurs sujets, elles auraient pu séduire quelqu'un comme Derib.
Plusieurs fois récompensé au festival d'Angoulême, Jirô Taniguchi en est cette année l'un des principaux invités et s'y voit consacrer une exposition intitulée L'Homme qui rêve et qui présente justement les différentes facettes de son oeuvre débutée en 1970. Cette année correspond aussi au vingtième anniversaire de la publication en français de L'Homme qui marche. Une découverte qui, à l'époque, mit à mal de nombreux clichés alors associés au manga. Casterman réédite pour l'occasion cet album fondateur dans une présentation cartonnée, une édition complétée qui bénéficie d'une nouvelle traduction et d'une nouvelle adaptation graphique. Elle comporte en outre, pour la première fois, toutes les pages couleurs de la version originale et est augmentée de récits inédits.