Le Dossier B

par François Schuiten, Benoît Peeters, Wilbur Leguebe

Les Impression nouvelles

La face cachée de Bruxelles

Élaborer un pastiche qui a l’allure de réalité n’est pas chose facile. Il faut un sujet, solide, consistant, et le bagou, l’allant pour asséner la vérité. En la matière, François Schuiten et Benoît Peeters ne sont pas des débutants. Ils en ont déjà commis quelques-uns, de premier plan, telle L’Affaire Desombres, du nom de ce peintre qui a trouvé un passage vers Les Cités obscures sur un haut plateau de l’Aubrac.

Le duo récidive, avec un troisième compère à la caméra, Wilbur Leguebe, et quelle récidive ! Bruxelles cache un passage vers Brüsel, la magnifique cité. Une journaliste enquête sur des faits étranges : les plans du Palais de justice ont disparu, la capitale belge n’en finit pas d’être détruite et reconstruite, il se passe des choses forcément inavouables et les élus ou responsables interviewés en savent, cela se sent, bien plus qu’ils n’acceptent de le dire.

Le reportage est une enquête approfondie sur l’évolution de Bruxelles, passée, « en cent cinquante ans, d’une cité médiévale à la capitale de l’Europe : comment en est-on arrivé là ? » Avec une ambition forte : « la Brüsellisation, [c’est-à-dire] l’ambition de grandir, l’ambition de prendre sa place à n’importe quel prix. » Cela a l’accent de la sincérité, la force d’un vrai reportage, l’on ne perçoit la pasticherie qu’au détour de quelque image, ou dans la représentation de certains personnages, élus, entrepreneurs, et même un bibliothécaire, qui filera par la suite à l’anglaise, gêné sans doute d’être mêlé à toute cette histoire que personne ne semble vouloir éclaircir.

François Schuiten et Benoît Peeters eux-mêmes apparaissent ici. Comme souvent dans Les Cités obscures, il règne une ambiance sombre, dérangeante, un petit quelque chose qu’on ne saurait bien définir mais qui vous laisse des interrogations en suspens. C’est fort bien mené, et, une fois habitué au rythme du noir et blanc un peu déroutant, l’on se prend au plaisir de suivre la journaliste dans cette enquête, et à rêver de se glisser dans les entrailles du métro bruxellois.

En prime, un reportage de vingt et une minutes, intitulé Aux frontières de l’image, dans lequel Benoît Peeters met en scène son compère François Schuiten, où l’on perçoit leur rapport à l’image, aux décors, aux personnages, à la création d’univers, le tout agrémenté des sons étranges de Bruno Letort. Intéressant.