Un scénariste rejoint l'équipe Martin
Couverture de L'ombre de
César,
par JF Charles |
Rédacteur en chef de Spirou à la fin des années
70, Alain De Kuyssche connaît très bien le monde
de la bande dessinée. En février,
trois romans issus de sa plume sont sortis sous le label
Casterman Jeunesse. Au centre de ces histoires, Alix, le
personnage
créé par Jacques Martin en 1948.
Mais sa contribution aux univers de l’auteur belge
ne s’arrêtera pas là. Il prépare,
en effet, la reprise de Jhen avec Bernard Capo et
la « jeunesse » de
Guy Lefranc avec Bruno Marchand.
Sans compter, un autre projet qui pourrait également
voir le jour…
Jacques Martin déclarait, dans une
interview menée
par Jean-Louis Tallon, en mars 2001 : « Laisser
le scénario à quelqu’un d’autre,
aujourd’hui,
c’est impensable ! ». Mais voilà,
le temps passe et la situation change. « Lorsque
j’avais
dit cela, les univers de mes séries n’étaient
pas aussi développés. Maintenant, cela prend
de telles proportions que je ne peux plus suivre. Je continue à produire
beaucoup de scénarios, encore actuellement. Mais si
on sort 12 livres par an, je lâche un peu la main.
Je ne peux pas assumer tout cela tout seul, par conséquent,
je fais appel à des réserves. » nous
a-t-il confié avec humour récemment. C’est
ainsi que l’auteur
d’Alix s’est même adjoint les services
d’un scénariste en la personne d’Alain
De Kuyssche. Cet ancien rédacteur en chef
de Spirou a plongé dans l’univers Martinien
avec plaisir. « Je
connais Jacques Martin depuis une trentaine d’années,
depuis l’époque où il travaillait encore
au Studio Hergé. Mes deux regrets chez Spirou, c’est
de ne pas avoir pu y faire travailler Jacques Martin et Albert
Uderzo. Ce n’est que quand je suis passé à Télémoustique
que j’ai eu l’occasion de prépublier Alix
dans Moustique Junior, le supplément jeunesse du magazine. » raconte-t-il.
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Trois romans issus de sa plume et mettant en scène
Alix, sont sortis en fevrier dans la collection Jeunesse
de Casterman. Il s’agit d’une novélisation
d’Alix L’Intrépide et de deux
histoires originales (Le Sortilège de Khorsabad et L’Ombre
de César). L’auteur ne semble pas avoir
eu de difficultés à entrer dans le monde d’Alix
: « Je connaissais bien cet univers. Je ne connais
pas tous les albums par cœur, mais assez bien tout de
même. Cela ne m’a pas été compliqué d’entrer
dans ce monde. Finalement, j’ai mis sur papier les
idées que je m’étais mises en tête
autrefois, à la lecture des albums. Dans Le sortilège
de Khorsabad, Alix part à la recherche de ses
parents. C’est un sujet que Jacques Martin avait annoncé depuis
longtemps. Je lui ai donc naturellement proposé d’en
faire un roman. ». Même si les aventures
romanesques sont fidèles à la série
originelle, certains aménagements ont été nécessaires
: « La novélisation d’Alix l’Intrépide
est tout de même assez différente de l’album.
La trame y est bien sûr, mais la technique du roman
et sa lecture sont assez différentes de la bande dessinée.
Le lecteur attend autre chose qu’on ne peut pas se
permettre en bande dessinée. De plus, cette bande
dessinée réalisée à l’époque,
vers 1948, suivait des règles, notamment un certain
nombre de cases par planches (parfois jusqu’à 16
cases par pages). On y voyait beaucoup de choses. Parfois
en une seule page, on partait de Rhodes pour aller à Rome,
et il y avait une bataille navale entre les deux. Ce sont
des choses qui ne passent pas en roman, ou alors on écrit
un livre de 500 pages. Tout ce qu’on montre en images
doit être décrit. Dans l’adaptation, certaines
choses ont changé. Certains personnages ont disparu.
Il y a deux personnages plus secondaires qui ne font plus
qu’un. Sinon cela risquait de disperser l’attention
du lecteur, parce qu’il ne peut pas se raccrocher à un
dessin pour identifier les différents personnages.
J’ai aussi ajouté une petite introduction qui
n’est pas dans l’album, parce que cela me sert à faire
une chute à la fin. En fait, quand vous lisez Alix
l’Intrépide, vous vous rendez compte que
c’était
une feuilleton – on ne fait plus actuellement des feuilletons,
mais à l’époque, c’était
le cas- et il n’y a pas une vraie fin. On enchaîne
tout de suite avec le Sphinx d’Or, qui commence
en Gaule, au moment où Alix a quitté la Gaule
cisalpine. » Pour L’ombre de César,
qui se passe à Rome, un nouveau personnage fait son
apparition. Enak se retrouve dans un rôle plus secondaire.
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Si Jacques Martin ne participe pas directement à l’écriture
de ces nouvelles, celles-ci sont le fruit d’une réflexion
commune : « On en a beaucoup discuté. Ensuite,
j’ai rédigé. J’ai écrit
d’abord un synopsis qu’il a relu et accepté.
Puis, j’ai réalisé le découpage
et la rédaction. ». Côté illustrations,
c’est Jean-François Charles qui signe les couvertures
et les illustrations de ces romans. Un choix réussi
qui peut paraître surprenant vu son style très
différent de celui de la série BD originelle.
En plus des romans mettant en scène Alix, Alain De
Kuyssche reprend le scénario de Jhen. Laissée
de côté par Jacques Martin, depuis plusieurs
années, suite à un désaccord avec Jean
Pleyers, la série va reparaître avec un autre
dessinateur, Bernard Capo (auteur de Tombelaine sur un scénario
de Gilles Chaillet). Les Sorcières devrait être
en librairie pour la fin de l’année. Cette histoire
mettra en scène un mystérieux et sanguinaire
inquisiteur à la recherche d’un livre qui aurait été écrit
par le Diable lui-même…
Avec Bruno Marchand (Nemo), le
scénariste entreprend
aussi la mise sur pied d’une nouvelle série
qui évoquera la jeunesse du reporter Guy Lefranc alors
qu’il n’est encore qu’un stagiaire. Premiers
scoops se déroulera à une période
antérieure à La
Grande Menace dans un style graphique qui rappellera la série
originelle à ses débuts : « Bruno
va essayer de garder le style qu’il y avait dans la
Grande Menace. Un style ultra ligne claire. Cela permettra
de faire évoluer
le style. »
Guy Lefranc dans La Grande
Menace |
Le premier récit nous emmènera sur les traces
des premiers ordinateurs : « Cela se passera à Londres
au début des années 50. Le thème en
est la grande discussion –qui a eu lieu à l’époque- à propos
des ordinateurs. Les Anglais avaient développé le
fameux décodeur des codes secrets allemands qui était
basé sur une technique d’ordinateur. A l’époque,
on se demandait si l’ordinateur était une super
calculatrice ou s’il était destiné à devenir
un clone de l’homme, une espèce de super cerveau
doté éventuellement de sentiments. On sait
très bien quelle a été la voie suivie.
Dans Lefranc, on va montrer ce qui aurait pu se passer avec
l’autre voie. » Alain De Kuyssche ne manque donc pas d’idées
pour faire évoluer l’univers martinien. Il a
même proposé un prolongement à l’univers
d’Alix : « J’ai proposé quelque
chose qui se passe dans l’antiquité, mais après
la période d’Alix, durant la chute de l’empire
romain vers 476. C’est une période très
intéressante qui permet beaucoup de développements.
Cette série mettrait en scène un descendant
d’Alix. Je me suis dit que plutôt que de trahir
le personnage et son univers, il était préférable
de trouver quelque chose qui trouve une assise dans une autre
période. »
Gageons que cette nouvelle recrue apportera un sang nouveau
dans l’équipe des collaborateurs de Jacques
Martin, pour le plaisir des fans de l’univers du Maître
mais aussi de tous les amateurs de bonnes histoires.
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