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Cartier-Bresson, Allemagne 1945, par Jean-David Morvan, Sylvain Savoia, collection Aire Libre - Magnum Photos (Dupuis)

Cartier-Bresson, Allemagne 1945

Scénario : Jean-David Morvan
Dessins et couleurs : Sylvain Savoia

Dupuis, collection Aire Libre - Magnum Photos

L'oeil du siècle

1945. Les Alliés marchent sur les camps et le monde découvre l'horreur nazie. À Dessau, en Allemagne, une rescapée reconnaît sa délatrice et la gifle. Henri Cartier-Bresson, alors sur place, capture ce geste dans une image qui deviendra emblématique. Avant d'accompagner les Américains dans la Libération, puis, plus tard, de cofonder l'Agence Magnum, Henri Cartier-Bresson était déjà un photoreporter majeur du XXe siècle. Fait prisonnier en 1940, il parviendra à s'échapper en 1943 et reviendra témoigner en images avec une précision du geste, une science du moment, un talent du cadrage qui feront de lui, selon les mots de Pierre Assouline "l'oeil du siècle".

Deux ans après un premier album consacré à Robert Capa sort enfin le deuxième tome de cette collection permettant à la BD d'aller à la rencontre de la photographie grâce à la collaboration entre Aire Libre et l'agence photographique Magnum (dont Capa et Cartier-Bresson furent parmi les fondateurs). Principe de cette collection : prendre pour point de départ une photo devenue emblématique, et raconter cette image et celui qui en est l'auteur. L'album consacré à Capa mettait en avant ses fameux clichés du débarquement de Normandie, ici on s'intéresse à un autre épisode de la Deuxième Guerre mondiale, avec la libération des camps et surtout l'impressionnante organisation du rapatriement des déportés.

Alors que l'aventureux, le flambeur Robert Capa avait tout d'un personnage de BD, Henri Cartier-Bresson a un itinéraire fort différent, avec des phases de sa vie où il se consacra exclusivement au cinéma ou à la peinture. Cependant, la volonté qui l'animait se concrétisa, pendant la guerre, alors qu'il était prisonnier, par de multiples tentatives d'évasion, dont la dernière finit par aboutir en 1943. Beau symbole aussi, que ce légendaire appareil Leica dissimulé, enterré par le photographe, avant que celui-ci, libre, ne se le réapproprie, pour pouvoir à nouveau témoigner par l'image.

Sylvain Savoia, après Les Esclaves oubliés de Tromelin, poursuit dans le style réaliste et documentaire pour dessiner l'histoire du photographe et de ce célèbre cliché en un roman graphique d'une nonantaine de pages.

Le scénario de Jean-David Morvan est riche et évoque les multiples facettes de la personnalité et de la carrière du photographe. La tâche n'est guère aisée et on a parfois un peu de mal, si on découvre le sujet, à effectuer la synthèse entre l'exposition "posthume" à New York, les rencontres avec les surréalistes et le photographe pendant la guerre.

Côté album, on s'étonnera du changement complet de format par rapport à celui consacré à Robert Capa. Par contre, on appréciera le dossier signé Thomas Tode et le portfolio des images d'Henri Cartier-Bresson (représentées pour la plupart dans la BD) qui le complètent. Un nouveau tome, consacré à Steve Mc Curry et à ses images du 11 septembre est prévu en septembre. Gageons qu'il contribuera à l'homogénéité d'une collection qui donne un peu l'impression d'un manque de définition, un comble quand on parle de photographie !

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Pierre Burssens

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