Les Cités obscures

Souvenirs de l'éternel présent

Scénario : Benoît Peeters
Dessins et couleurs : François Schuiten

Casterman, collection Univers d'auteurs

L’absurdité du progrès incontrôlé

En 2009, Enki Bilal a publié Animal’z, une vision du monde apocalyptique post-nucléaire, conséquence de la folie meurtrière des hommes. Quelques mois plus tard, chez le même éditeur Casterman, Benoît Peeters et François Schuiten font d’une certaine manière écho à cet ouvrage avec Souvenirs de l'éternel présent paru dans la collection Univers d'auteurs.

Cet album construit comme une variation en bande dessinée d’un projet de film Taxandria de Raoul Servais s’appuie sur les travaux préparatoires de François Schuiten à la fin des années 80. Si le film a été un échec commercial cuisant, le couple d’auteurs qui avait utilisé une partie de la matière dans une édition assez confidentielle en 1993 a su redonner du sens à cette création en l’enrichissant et l’intégrant cette fois dans la série les Cités obscures.

Aimé est le seul enfant d’un monde dont la vie, la nature et les animaux ont disparu, où le temps s’est arrêté devenant l’éternel présent. Il découvre un rare ouvrage expliquant la genèse de ce monde : un cataclysme produit par une course absurde à un progrès non maîtrisé par l’homme. Parviendra-t-il à en comprendre le sens de cette évolution et en inverser le sens ?

C’est un monde plongé dans le chaos, arrêté dans le temps, que décrivent les deux auteurs. Leur esthétisme mélange de constructions futuristes, de ruines haussmanniennes ou antiques et de restes postindustriels est à la fois fantastique et surréaliste. On pense naturellement à René Magritte dont un joli musée vient d’ouvrir à Bruxelles. Telle une fable, l’album donne l’occasion de se poser des questions sur l’absurdité du progrès incontrôlé, la stupidité de l’ordre établi et ouvre un certain espoir sur l’avenir.

Une réalisation pleine de sens et de grande qualité.