Bagdad Inc.
Scénario : Stephen Desberg
Dessins : Thomas Legrain
Couleurs : Benoît Bekaert et Elvire Decock
Le Lombard, collection Troisième Vague
Le tueur de trop...
Bagdad, 2004. Les soldats des armées privées sont presque aussi nombreux que les soldats officiels. Quand un de ces mercenaires assassine des civils irakiens pour réaliser de macabres mises en scène, le gouvernement américain redoute un scandale retentissant. Une jeune juriste militaire et un ancien mercenaire taciturne sont envoyés sur la piste du tueur.
Bagdad Inc. inaugure la nouvelle branche "one-shot" de la collection Troisième Vague. Stephen Desberg n'en est pas à son premier thriller mais en profite ici pour nous livrer une vision sans concession de l'intervention américaine en Irak et de ses vrais motifs. En effet, on a longtemps parlé des armes de destruction massive de Saddam Hussein, mais au-delà de l'action sur le terrain, c'est l'image d'une guerre économique, glaciale et cynique, qu'esquisse le scénariste d'origine américaine.
Le cheminement de l'enquête de Charlene Van Evera et de Jackson Baines donne ainsi parfois l'impression de nous faire vivre un reportage, et les témoignages amers des "agents de sécurité" (ne dites plus mercenaires !) des sociétés privées présentes sur place en disent long sur l'entretien systématique d'une véritable désinformation quant aux raisons de la présence des soldats de George W. Bush dans la région. Au sein de ce chaos, un tueur en série (de trop !) met en péril la revendiquée "propreté" d'une guerre du XXIe siècle, déclenchant pour le lecteur et le duo d'enquêteurs un gros coup de pied dans cette fourmilière infernale dans lequel l'appât du gain à plus ou moins court terme consitue littéralement le "nerf de la guerre".
Thomas Legrain (Sisco) consacre son trait réaliste, fin et classique, aux 75 pages de ce thriller guerrier abondamment documenté. Le résultat est efficace et impressionne fréquemment par le niveau de détail atteint par le dessinateur. Les couleurs de Benoît Bekaert et Elvire Decock contribuent à restituer les ambiances chaudes, sèches et poussièreuses de Bagdad et ses environs. Stephen Desberg nous livre une enquête intéressante mais surtout s'indigne et dénonce. Et en découvrant certains rouages des événements décrits, on ne peut que le comprendre. Bagdad Inc. secoue et interpelle ainsi davantage par son contexte économico-politico-militaire réaliste que par son aspect "policier".